Les médecins, tout comme les autres professionnels qui se sont incorporés et qui conservent de fortes sommes dans leur entreprise, paieront plus d'impôt à la suite de la réforme de la fiscalité des PME du gouvernement du Canada.

Le ministre Moreau réduit l'admissibilité au taux d'imposition réduit des PME quand celles-ci dégagent de gros revenus de placement de leurs épargnes, ce que le gouvernement appelle les placements passifs.

Cette approche constitue un changement de cap du fédéral par rapport à ses ambitions exposées en juillet 2017 qui avaient fait craindre le pire chez les entrepreneurs du pays.

À partir de 2019, un entrepreneur qui tire un revenu de placement supérieur à 50 000 $ sera imposé au taux réduit de 9 % sur une portion réduite du revenu de sa société. Si cette entreprise gagne un revenu de placement de 150 000 $ et plus, celle-ci perd complètement le droit au taux réduit d'imposition sur le revenu de société. Elle sera désormais imposée au taux de 15 %.

Considérons un médecin qui gagne un revenu net de 400 000 $ et qui détient 1,5 million en placements. Ce médecin tire un revenu de placement de 105 000 $ sur ce 1,5 million. Avant la réforme, il payait 36 000 $ en impôt. Avec la réforme, sa facture passe à 46 500 $, soit 10 500 $ de plus.

Le fiscaliste Stéphane Leblanc, d'EY, croit qu'il est possible que le gouvernement du Québec emboîte le pas au fédéral concernant le revenu passif d'entreprise.

Le ministre revoit aussi le remboursement d'impôt sur les placements quand l'entreprise verse un dividende. Il propose que les sociétés privées sous contrôle canadien ne soient plus en mesure d'obtenir de remboursement d'impôt payé sur le revenu de placement quand elles distribuent des dividendes déterminés.

Le ministre Morneau soutient que sa réforme touche environ 50 000 sociétés privées. Le fédéral ira chercher 705 millions par année à terme, environ 15 000 $ en moyenne par entreprise touchée.

« Il s'agit d'une petite victoire au goût amer, commente Martine Hébert, vice-présidente principale de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. On vient chercher à terme près de 1 milliard dans les poches des PME [en tenant compte des changements annoncés en décembre 2017], alors qu'on laisse courir les Netlfix de ce monde. Je comprends les chefs d'entreprise qui pourraient ressentir un sentiment d'injustice. »

Les services de diffusion de contenu en ligne de sociétés étrangères, comme Netflix, sont exemptés en pratique de la taxe de vente fédérale.

RÉFORME TRUMP DE LA FISCALITÉ : LE CANADA ATTENDRA

Mme Hébert déplore par ailleurs la réponse timide du gouvernement Trudeau à la réforme fiscale américaine faisant en sorte que le Canada a perdu son avantage concurrentiel sur le plan fiscal par rapport aux Américains.

« Nous ferons preuve de vigilance afin de nous assurer que le Canada demeure le meilleur endroit au monde pour faire des affaires, a déclaré le ministre des Finances dans son discours du budget, et nous le ferons de façon responsable et minutieuse en laissant les données probantes, et non les émotions, orienter nos décisions. »

Mme Hébert craint l'impact de la réforme fiscale américaine. « On aurait intérêt à garder un avantage fiscal, plaide-t-elle. Il y a probablement plusieurs entreprises qui se demandent s'il n'est pas avantageux pour elles d'investir aux États-Unis. »