Il y a deux choses que les organismes qui représentent les entreprises canadiennes demandent chaque année à l'approche du budget fédéral: moins d'impôts et moins de paperasse.

Avec l'adoption toute récente par l'administration Trump d'allègements fiscaux et réglementaires inédits en faveur des entreprises, il est primordial, disent ces représentants, que le gouvernement Trudeau leur prête attention.

« Nous avons assisté à la fin de l'année aux États-Unis aux changements les plus importants jamais vus, dit en entrevue Perrin Beatty, président de la Chambre de commerce du Canada. Et cela a un impact significatif sur la compétitivité des entreprises canadiennes. »

« Nous voulons qu'Ottawa le reconnaisse dans son budget et qu'il s'assoie rapidement avec les autres ordres de gouvernement pour trouver des façons de soulager les entreprises canadiennes de la multiplication des frais, des coûts et des règlements qui ralentissent leur croissance », dit-il.

Une révision complète et indépendante de l'ensemble du système fiscal canadien est nécessaire, estime M. Beatty, soulignant que le dernier exercice du genre a été fait voici 40 ans.

Le taux fédéral d'impôt sur le revenu des entreprises est passé de 35 % à 21 % depuis le 1er janvier aux États-Unis, ce qui ramène le taux combiné - en tenant compte des impôts payés dans les États - à un niveau quasi identique à celui en vigueur au Canada.

Compte tenu des différentes déductions possibles et des taxes de vente, « l'avantage fiscal dont le Canada a joui par rapport aux États-Unis pendant plus d'une décennie est complètement éliminé », écrivent les analystes Fred O'Riordan et Jack Mintz, d'EY, dans une note publiée récemment.

« Nos manufacturiers pensent de plus en plus à investir ailleurs plutôt qu'au Canada parce que c'est plus alléchant pour eux », dit pour sa part Véronique Proulx, PDG de Manufacturiers et exportateurs du Québec (MEQ).

MESURES POUR LA PRODUCTIVITÉ

La productivité du Canada demeure l'une des plus faibles parmi les pays du G7, ajoute Mme Proulx, et elle traîne particulièrement la patte dans le secteur manufacturier. Depuis 1990, les entreprises manufacturières américaines ont haussé leur productivité de 154 %, soit deux fois plus que leurs concurrents canadiens, selon une étude du MEQ.

Manufacturiers et exportateurs du Québec propose donc à Ottawa d'étendre les investissements directs dans les entreprises par le truchement d'un programme de financement à risques partagés, d'augmenter à 2 milliards le budget du Fonds stratégique pour l'innovation et d'améliorer les taux d'amortissement des investissements en équipement et nouvelles technologies.

Des menaces comme la renégociation de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) et la hausse des taux d'intérêt planent aussi sur l'économie canadienne, explique Martine Hébert, de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI). « Il faut se préparer maintenant à affronter la prochaine récession, dit-elle. La dernière a eu lieu voici 10 ans. »

ÉLECTROCHOC AUX PME

Le gouvernement fédéral a administré un électrochoc aux PME l'an dernier en s'attaquant à plusieurs mesures qui permettaient aux entrepreneurs de réduire leur facture d'impôts, mesures que la FCEI souhaite voir mitiger dans le budget de demain.

« Ç'a été toute une bataille qui a été menée l'an dernier contre ces mesures, dit Mme Hébert. Ce n'est pas que les objectifs de cette réforme étaient mauvais. Mais les moyens utilisés pour la mettre en oeuvre étaient injustes et inéquitables. »

Depuis le 1er janvier, les propriétaires de PME ne peuvent plus verser de dividendes à des membres de leur famille, à moins que ceux-ci aient contribué à l'entreprise, soit sous la forme d'un prêt, d'une participation au capital ou simplement par leur travail.

La FCEI demande que cette mesure soit à tout le moins maintenue en faveur du conjoint de l'entrepreneur.

« Pour un très grand nombre de PME au pays, la séparation entre la vie de famille et l'entreprise n'est pas tranchée au couteau, dit Mme Hébert. Un conjoint va par exemple aider en classant des factures le soir, ou il va faire un détour en revenant de l'école pour récupérer des matériaux. Il faut que ces contributions soient reconnues par le système fiscal. »

PLACEMENTS PASSIFS

L'autre mesure controversée proposée par Ottawa concerne les placements passifs, ces sommes détenues dans les coffres des entreprises qui peuvent servir de coussin de sécurité ou à financer des investissements à venir. Ottawa souhaite empêcher que ces placements ne deviennent une façon détournée pour les entrepreneurs de mettre la croissance de leur capital à l'abri de l'impôt.

Le ministre des Finances a jeté du lest en octobre en accordant une exemption d'impôt de 50 000 $ au rendement généré par ces liquidités.

La FCEI demande plutôt un moratoire au gouvernement, tant que ne sera pas réalisée une étude d'impact.

« Le Canada est en déficit de moyennes entreprises. On craint que ces mesures n'empêchent les petites entreprises de financer leur croissance pour devenir des moyennes », dit Martine Hébert.

Si Ottawa devait persister, la FCEI demande que le seuil d'exemption soit porté à 250 000 $, qu'il soit indexé au coût de la vie et qu'il devienne cumulatif.