Les industries canadiennes de la réalité virtuelle (RV) et de la réalité amplifiée (RA) ont un besoin «désespéré» d'investisseurs locaux pour empêcher les profits de traverser la frontière, s'inquiètent certains des principaux innovateurs du secteur.

«Pourquoi est-ce que les investisseurs de Chine, de Silicon Valley ou de Dubaï devraient s'enrichir avec nos entreprises technologiques et nos fonds publics?», a demandé mercredi Alan Smithson, le PDG de la firme-conseil MetaVRse, lors d'une discussion organisée dans le cadre de la conférence Cantech Investment, à Toronto.

«Nous ratons des occasions monumentales et nous devons trouver un moyen de garder le financement au Canada», a-t-il dit.

M. Smithson et les représentants de compagnies comme Google estiment que l'investissement local devrait pourtant être disponible. Ils rappellent que le Canada regorge de talent en RV et RA; que les incitations fiscales et les fonds gouvernementaux sont généreux; et que les entreprises peuvent réaliser des économies importantes puisque les développeurs gagnent ici 25 pour cent moins d'argent qu'à San Francisco.

Ils croient aussi que les investisseurs devraient être frileux puisque de grandes entreprises canadiennes s'intéressent à ces technologies, ce qui témoigne de leur utilité et de leur viabilité.

Les panélistes ont souligné que le Cirque du Soleil utilise la RV et la RA pour concevoir les scènes de ses spectacles, puisque cela lui permet de procéder à des ajustements avant d'installer les éléments. La RA a même fait son apparition au Musée des beaux-arts de l'Ontario, où l'exposition ReBlink permet aux visiteurs d'entrer «dans» un tableau par le biais d'un téléphone spécial et d'une application qui débloquent une expérience immersive.

Mais même face à de tels adopteurs, les panélistes déplorent la timidité des investisseurs canadiens dans les deux domaines. Ils disent qu'on a rapidement prédit une croissance et des profits énormes quand la RV et la RA ont initialement fait surface, mais qu'on a omis de tenir compte du temps qui pourrait s'écouler en attendant.

La légendaire politesse canadienne semble aussi y être pour quelque chose. Les panélistes ont reproché aux compagnies canadiennes de ne pas être aussi agressives que leurs rivales américaines quand vient le temps de se vendre aux investisseurs.

«Les propositions canadiennes manquent d'ampleur. Les projections de revenus sont inférieures du tiers ou de la moitié à ce que les Américains croient pouvoir générer - et ce n'est pas une bonne chose, car en bout de compte, les investisseurs veulent voir des gros sous», a expliqué Tom Emrich, un partenaire de la firme SuperVenture dédiée au financement de démarrage dans le domaine de la RA.

Les entreprises canadiennes se démarquent toutefois par leur contenu.

Alex Katzen, de Google, dit avoir lu que 84 pour cent des entreprises canadiennes des secteurs de la RV et de la RA se consacrent au contenu, plutôt qu'au développement de plateformes. Elle voit cela d'un oeil positif puisque, selon elle, le contenu deviendra de plus en plus crucial, au fur et à mesure que les technologies évolueront.

M. Smithson a révélé que les investisseurs américains appuient chacun entre 10 et 30 compagnies. En comparaison, il n'y aurait qu'une poignée d'investisseurs au Canada, et la plupart d'entre eux n'appuient qu'une compagnie.

Myles McGovern - dont les compagnies ont réalisé la première vidéo en 360 degrés du groupe Black Eyed Peas et diffusé des centaines d'événements en 360 degrés, dont les Jeux olympiques de 2016 - s'est donc rendu en Californie quand il a eu besoin de financement.

Il a arpenté Sand Hill Road, la mecque de ceux qui recherchent un capital de risque.

Plusieurs des investisseurs qu'il a rencontrés lui ont dit: «Pourquoi est-ce que j'investirais dans une compagnie au Canada, quand je peux investir dans une entreprise de l'autre côté de la rue? J'aime votre technologie, mais pourquoi est-ce que vous ne déménagez pas chez nous?»