Un programme libéral qui permet aux travailleurs de certaines régions frappées de plein fouet par la chute des prix des matières premières de profiter plus longtemps de prestations d'assurance-emploi coûtera deux fois plus cher que prévu.

Le gouvernement avait réservé 827,4 millions pour verser des semaines de prestations supplémentaires à des travailleurs durement touchés. On prévoit maintenant que la facture s'élèvera à 1,92 milliard, essentiellement en raison de changements qui permettent à plus de travailleurs d'être admissibles à des prestations additionnelles, ainsi que de taux de chômage qui sont demeurés élevés plus longtemps que ce qu'avait prévu Ottawa. On en saura davantage plus tard cette année lorsque le gouvernement publiera son rapport annuel sur l'assurance-emploi.

Le programme avait été mis en place en 2016 à l'intention des travailleurs de 12 régions où le marché de l'emploi s'était effondré en raison de la chute des cours de l'énergie. Ces régions touchées se trouvent dans l'ouest du pays, dans le nord de l'Ontario et à Terre-Neuve-et-Labrador. La plupart des travailleurs ont reçu cinq semaines supplémentaires de prestations, pendant que les travailleurs de longue date recevaient 20 semaines de plus.

Jusqu'à juillet 2017, ces prestations avaient totalisé plus de 1,3 milliard, et les hauts fonctionnaires ont prévenu le ministre de la Famille, des Enfants et du Développement social, Jean-Yves Duclos, que les coûts du programme pourraient facilement atteindre 1,9 milliard.

Cette évaluation préliminaire, obtenue par La Presse canadienne en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, indique que les coûts du programme ont augmenté quand on y a ajouté trois nouvelles régions touchées, et qu'on a décidé de rendre les prestations rétroactives à janvier 2015, ce qui a octroyé quelques semaines de prestations de plus aux travailleurs qui les avaient déjà épuisées.

412 000 Canadiens admissibles

Par ailleurs, les travailleurs de longue date ont reçu des paiements totalisant 1,7 milliard, même s'ils ne représentent que 28 pour cent des prestataires du programme de semaines supplémentaires d'assurance-emploi.

Le document précise qu'habituellement, environ le quart des demandeurs épuisent toutes leurs prestations avant de retourner au travail; dans le cadre du programme libéral de semaines supplémentaires, près de la moitié des prestataires épuisent toutes leurs semaines d'assurance-emploi.

Sous l'effet combiné des politiques publiques et des conditions économiques, 412 000 Canadiens ont été admissibles aux semaines de prestations supplémentaires, alors qu'Ottawa s'attendait à recevoir 235 000 demandes.

«Ils n'ont pas su estimer à quel point ces gens auraient de la difficulté à se trouver un emploi», soutient la professeure de sciences économiques Frances Woolley, de l'Université Carleton, à Ottawa. «Une telle erreur d'appréciation est assez surprenante», estime-t-elle, tout en reconnaissant les bienfaits du programme pour les travailleurs durement touchés.

Parisa Mahboubi, analyste à l'Institut C.D. Howe, estime que la persistance des taux de chômage élevés n'a pas aidé ces prestataires à se dénicher un nouvel emploi. Elle soutient par ailleurs que les semaines de prestations supplémentaires ont peut-être atténué la motivation à se chercher un nouveau travail.