Après avoir annoncé la conclusion d'une entente de principe de la nouvelle mouture du traité transpacifique, Justin Trudeau a repris le bâton de pèlerin commercial à Davos, mercredi, pour s'attaquer à l'autre gros morceau: l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA).

Le premier ministre canadien a donné le coup d'envoi à sa deuxième journée au Forum économique mondial (FEM), dans les Alpes suisses, avec une table ronde commerciale Canada-États-Unis, qui s'est tenue derrière des portes closes, et qui était modérée par le gourou économique du gouvernement libéral, Dominic Barton.

La séance a duré une trentaine de minutes et réuni une dizaine de gens d'affaires, dont le président et chef de la direction de la Bourse de New York ainsi que les patrons de Dow Chemical, de la firme Blackrock et d'UPS, entre autres. Justin Trudeau a fait autour de la table la promotion des thèmes habituels - notamment l'importance de créer de bons emplois pour la classe moyenne.

Il s'est montré satisfait d'avoir mené l'exercice lorsqu'il a brièvement rencontré les médias, mercredi matin. «On a parlé du fait qu'il y avait tellement d'emplois au Canada et aux États-Unis, de gens, de familles, qui dépendent sur le commerce entre les deux pays et que c'est important de passer le message à l'administration américaine», a-t-il dit.

«Il y a toujours des choses à améliorer, et on est en train de travailler pour le faire, mais il y a beaucoup de gens qui dépendent de l'ALENA», a-t-il déclaré. Justin Trudeau se présentait devant les représentants américains du milieu des affaires au lendemain d'un discours au cours duquel il a confirmé la conclusion des pourparlers du Partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP).

Lorsqu'il s'est réjoui de l'issue des négociations du traité ressuscité après la défection des États-Unis, il a été spontanément applaudi par le gotha financier et politique réuni dans la ville de sports d'hiver huppée nichée au coeur des Alpes. Il a ensuite ajouté qu'il travaillait très fort pour convaincre le président des États-Unis, Donald Trump, des bénéfices de l'ALENA.

C'est ce qui a poussé le secrétaire américain du Commerce, Wilbur Ross, à suggérer mercredi que Justin Trudeau avait utilisé son discours pour «mettre un peu de pression sur les États-Unis». Il a plus tard eu un ton plus conciliant, affirmant en entrevue au réseau américain CNBC depuis Davos qu'«il y avait une bonne chance» que l'accord survive.

Sans vouloir s'immiscer dans les pourparlers, dont la sixième ronde se tient actuelle à Montréal, le ministre des Finances Bill Morneau a cherché à minimiser la portée des propos du secrétaire Ross. «C'est vrai que les négociations sont de temps en temps difficiles», a-t-il offert en mêlée de presse à Davos.

«On va continuer comme nous avons continué avec le TPP pour améliorer l'accord, pour améliorer la situation des Canadiens», a dit le grand argentier fédéral, qui avait rencontré un peu plus tôt son homologue américain, le secrétaire au Trésor Steven Mnuchin, qui selon lui «comprend l'importance de l'ALENA pour les entreprises américaines».

L'imposante délégation américaine a commencé à débarquer au FEM de Davos, et@ c'est devant ce public d'allégeance multilatéraliste et libre-échangiste que le président américain Donald Trump, qui s'est retiré du Partenariat transpacifique (PTP) et a menacé de déchirer l'ALENA, doit prononcer une allocution, vendredi.

Lorsqu'on a demandé à Bill Morneau s'il décelait une certaine ironie dans le fait que le dirigeant populiste et protectionniste participe à la grand-messe annuelle mondialiste, il s'est montré prudent. «Je ne peux vous dire quels sont ses objectifs précis, mais j'imagine qu'il veut parler des buts de son administration, et que ceci est une façon pratique de le faire», a-t-il offert.

Il n'en demeure pas moins que les orientations du président Trump sont à des années-lumière de celles de plusieurs invités de marque de cette 48e édition du sommet helvète. La journée de mercredi a, par exemple, été l'occasion pour le président français Emmanuel Macron et la chancelière allemande Angela Merkel, de prendre la parole.

Après son allocution, la doyenne des dirigeants du G7 a rencontré le premier ministre Trudeau, qui lui, a poursuivi mercredi sa ronde de rencontres bilatérales économiques. Il a serré les mains des dirigeants de Royal Dutch Shell, Microsoft et Ericsson, pour ne nommer que ceux-là, au fil de la journée.

S'il a axé sa visite sur les dossiers commerciaux pendant son séjour helvète, le dirigeant canadien a tout de même rencontré quelques leaders politiques.

Mercredi matin, il a eu un entretien en catimini - son bureau a prévenu après coup les journalistes qui couvrent la visite à Davos qu'un tête-à-tête avait eu lieu - avec le premier ministre d'Israël, Benjamin Netanyahou. Le bureau de Justin Trudeau a nié avoir tenté de garder cette rencontre secrète.

La visite de Justin Trudeau en Suisse prendra fin jeudi. Il doit participer à une séance publique sur l'éducation et l'autonomisation des filles et des femmes avec la jeune militante pakistanaise Malala Yousafzai. Le premier ministre accordera aussi jeudi la seule conférence de presse de ce voyage de trois jours en sol helvète.