Le fisc canadien a-t-il « récupéré » 25 milliards de dollars qui lui auraient échappé en raison de l'évasion fiscale, ou a-t-il plutôt « identifié » cette somme ? Le débat a continué de s'embourber dans la confusion, hier à Ottawa, alors que la ministre du Revenu national a contredit des déclarations qu'elle avait faites plus tôt cette semaine.

Lundi, Diane Lebouthillier a martelé que l'Agence du Revenu du Canada (ARC) avait réussi à mettre la main sur ce pactole grâce aux efforts déployés dans la chasse aux fraudeurs fiscaux. « Au cours des deux dernières années, nous avons investi près de 1 milliard de dollars qui nous ont permis d'aller récupérer près de 25 milliards de dollars », a-t-elle répété à la Chambre des communes.

Or, l'ARC a toujours refusé de préciser quelle portion de ces 25 milliards est bel et bien retournée dans les coffres de l'État, et quelle somme a plutôt été retracée sur papier par les inspecteurs du fisc. Questionnée à ce sujet hier après-midi, la ministre a semblé faire marche arrière.

« L'Agence a identifié 25 milliards de dollars et nous sommes sur la bonne voie pour les récupérer », a lancé Mme Lebouthillier pendant un point de presse éclair, sans donner plus de détails.

« CULTURE DU SECRET »

La ministre responsable de l'ARC a souligné à plusieurs reprises le chiffre de 25 milliards au cours des derniers mois, sans jamais fournir aucune ventilation des données. La Presse a formulé une demande d'accès à l'information à cet effet il y a un mois, pour laquelle l'ARC a demandé une prorogation de 60 jours.

Le sénateur Percy Downe exige pour sa part des explications du gouvernement Trudeau depuis le printemps dernier, sans succès. En entrevue à La Presse plus tôt cette semaine, il a affirmé que l'ARC entretenait depuis des années une « culture du secret ». La situation était la même sous le précédent gouvernement conservateur, avance-t-il.

Des députés de l'opposition ont aussi dénoncé le mystère qui plane dans ce dossier, hier. « Ça ressemble à un lapin sorti d'un chapeau, a fait valoir Alexandre Boulerice, porte-parole néo-démocrate en matière de finances. Vous remarquerez que le 25 milliards d'aujourd'hui était 13 milliards en juin dernier. Je ne sais pas ce qui s'est passé pendant l'été, mais ça semble un peu magique. »

Le conservateur Gérard Deltell a quant à lui qualifié de « suspects » les chiffres avancés par ses adversaires libéraux. La fuite des Paradise Papers, dans lesquels le principal argentier du Parti libéral du Canada a été nommé dimanche, alimente depuis trois jours les débats sur les paradis fiscaux à la Chambre des communes.