Henry Aguirre, un travailleur étranger temporaire, se croyait chanceux d'avoir décroché un emploi au Québec comme attrapeur de poulets, rassemblant la volaille pour l'acheminer vers les usines de transformation.

Le Guatémalèque de 27 ans a vite déchanté en apprenant qu'il serait rémunéré au volume plutôt que pour le nombre d'heures travaillées, sans compensation pour ses déplacements de ferme en ferme.

Il raconte que ses pairs guatémaltèques et lui ont signé des contrats qu'ils ne comprenaient pas, puisqu'ils étaient en français.

« Nous ne comprenions pas le permis de travail, sinon nous n'aurions pas signé », a-t-il exposé en entrevue, par l'entremise d'un interprète.

M. Aguirre comptait parmi les militants et les travailleurs étrangers ayant part à une petite manifestation contre ce programme fédéral, plus tôt ce mois-ci, devant l'oratoire Saint-Joseph.

Ils réclament entre autres l'abolition des permis de travail fermés, qui limitent les travailleurs étrangers à un seul employeur.

Viviana Medina, une organisatrice communautaire elle aussi présente à la manifestation, estime qu'à cause de ce type de permis, de la barrière de la langue et de la crainte de perdre leur emploi, bon nombre de travailleurs se montrent réticents à porter plainte contre leur employeur.

« Dès qu'ils disent quelque chose, ils seront retournés chez eux, déplore-t-elle. Ils doivent rester dans ces conditions parce qu'ils ne veulent pas perdre leur emploi. »

Une étude de l'Université du Québec à Montréal (UQAM) publiée plus tôt ce mois-ci révèle que plusieurs Guatémaltèques à la recherche d'un travail au Québec doivent débourser des frais de recrutement dans leur pays - même si cette pratique est interdite.

L'étude, fondée sur des entrevues réalisées entre les mois de juin et de novembre 2015, indique que certains ont même dû céder leur maison en guise de garantie qu'ils rembourseront ces frais, selon Pablo Godoy, des Travailleurs unis de l'alimentation et du commerce.

Le gouvernement fédéral dit reconnaître le besoin d'agir et dit avoir pris une série de mesures pour lutter contre l'exploitation de ces travailleurs.

« Les changements comprennent des inspections accrues, un partage amélioré de l'information et des renvois pour enquêtes criminelles, et des sanctions administratives pécuniaires et le bannissement des employeurs qui enfreignent les conditions du programme », a précisé par courriel Julia Sullivan, d'Emploi et Développement social Canada.

Henry Aguirre, frustré par l'attrapage de volaille, s'est finalement tourné vers une agence de placement pour se trouver un autre emploi.

En octobre dernier, il a été appréhendé par les autorités frontalières avec 14 autres travailleurs accusés de ne pas avoir respecté les conditions de leur permis de travail, raconte-t-il.

Le groupe a demandé un contrôle judiciaire de leur traitement lors de leur arrestation et déposé une plainte auprès de la commission de la santé et de la sécurité du travail.

Leur avocate, Susan Ramirez, dit avoir rencontré des centaines de travailleurs qui se sont vu refuser des soins de santé et nier d'autres droits.

« C'est un problème systémique, a-t-elle lancé en entrevue téléphonique. C'est un problème parce qu'ils sont sous la gouvernance d'un employeur qui ignore leurs droits, et il y a la barrière de la langue. »

M. Aguirre a réussi à obtenir un permis de travail ouvert jusqu'en octobre, moment auquel la cour entendra sa demande pour un contrôle judiciaire.

Il a décroché un nouvel emploi et espère qu'on lui permettra un jour de s'établir au Canada.