Une équipe de chercheurs menés par un ancien directeur parlementaire du budget à Ottawa conteste l'opportunité de créer une «banque de l'infrastructure du Canada», un projet cher aux libéraux fédéraux.

Kevin Page et son équipe de l'Université d'Ottawa soutiennent que le gouvernement de Justin Trudeau n'a pas présenté d'analyse de rentabilité solide pour cet instrument destiné à attirer les investissements privés dans des actifs publics, comme des ponts ou des routes.

L'Institut des finances publiques et de la démocratie (IFPD) soutient que les libéraux pourraient construire encore plus d'infrastructures simplement en empruntant à des taux d'intérêt préférentiels, puis en refilant aux villes et aux provinces les économies ainsi réalisées. Les investisseurs privés, par contre, souhaiteront peut-être obtenir un rendement supérieur à ces taux préférentiels, estime le groupe de réflexion dans un blogue publié jeudi.

La firme de gestion d'actifs J.P. Morgan concluait ainsi en 2015 que les investisseurs privés espéraient des rendements pouvant atteindre 10 % dans les infrastructures énergétiques et 12 % dans les routes à péage.

Randall Bartlett, économiste en chef à l'institut, se demande pourquoi le gouvernement souhaiterait ainsi «privatiser» des rendements qui pourraient, sinon, accroître le trésor public. Selon lui, le gouvernement n'a pas démontré la nécessité de créer cette banque alors que d'autres instruments existent déjà pour investir dans les infrastructures.

L'attaché de presse du ministre de l'Infrastructure et des Collectivités, Amarjeet Sohi, a rappelé que les villes et les provinces seront libres de recourir aux services de la banque de l'infrastructure du Canada, et qu'il ne s'agit que d'une des initiatives prévues par les libéraux dans leur plan d'infrastructures. Brook Simpson ajoute que la banque travaillera de concert avec Statistique Canada, les municipalités et les provinces afin de déterminer le mieux possible les besoins en infrastructure au pays - l'une des critiques de l'équipe de Kevin Page.

Les libéraux proposent d'injecter dans la banque une somme initiale de 35 milliards, en espérant attirer les investissements privés dans des projets publics comme les transports collectifs, les routes ou le réseau électrique - des infrastructures qui peuvent générer des revenus, par le biais de tarifs ou de péages. Les libéraux espèrent tirer du privé trois ou quatre fois la mise fédérale dans trois secteurs particuliers: les «corridors commerciaux», les infrastructures vertes et le transport en commun.

Les dispositions législatives qui prévoient la création de la banque de l'infrastructure du Canada sont contenues dans le projet de loi de mise en oeuvre du budget, qui est actuellement étudié en deuxième lecture aux Communes.