Un quart de siècle après avoir quitté Ottawa, Brian Mulroney a fait un grand retour sur la colline du Parlement, jeudi, dans une rare démonstration de politique non partisane, en prévision de la réouverture de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA).

L'ancien premier ministre progressiste-conservateur (1984-1993) avait été invité par le gouvernement libéral de Justin Trudeau à rencontrer la douzaine de ministres qui sont membres du Comité du cabinet sur les relations canado-américaines. Interpellé à l'issue de la rencontre dans le couloir de l'édifice du Centre qu'il a arpenté pendant une dizaine d'années, M. Mulroney, tout sourire, a lancé: «c'est comme si je n'étais jamais parti».

Retenu à New York, le premier ministre Trudeau n'était pas présent à cette rencontre ministérielle, à laquelle ont aussi participé l'ambassadeur du Canada aux États-Unis, David MacNaughton, et l'un de ses prédécesseurs, Derek Burney, qui avait été, juste avant, chef de cabinet de M. Mulroney. À ce titre, M. MacNaughton avait participé à la négociation et à la conclusion de l'Accord de libre-échange Canada-États-Unis (1987), précurseur de l'ALÉNA.

Le ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale, a souligné jeudi que «les années d'expérience (de M. Mulroney) et sa vision des choses seront très utiles afin de nous assurer d'obtenir les meilleurs résultats possible pour le Canada». Son collègue au Commerce international, François-Philippe Champagne, a ajouté qu'il était «toujours intéressant d'entendre l'expertise et l'expérience de gens qui ont eu à négocier pendant des décennies avec les États-Unis».

Croisé avant la rencontre de jeudi, M. Mulroney, âgé de 79 ans, a estimé d'entrée de jeu que les négociations sur l'ALÉNA ne seraient pas faciles, compte tenu du caractère imprévisible de l'administration américaine et des déclarations sur le commerce entendues récemment à Washington. Il a soutenu que les politiciens canadiens devraient mettre de côté leurs intérêts partisans afin de protéger plutôt les intérêts économiques du Canada.

L'ami de Donald Trump

M. Mulroney, par ailleurs un ami personnel de Donald Trump, demeure pour plusieurs Canadiens le «grand-père du libre-échange en Amérique du Nord», négocié pendant son règne. Il a accepté de mettre son expérience et ses relations au service du gouvernement libéral de Justin Trudeau, qui tente de composer avec la nouvelle administration à Washington.

Après avoir pourfendu l'ALÉNA pendant la campagne présidentielle, l'an dernier, Donald Trump a adopté un ton plus modéré lors de la visite du premier ministre Trudeau à la Maison-Blanche, en février. Mais la lettre transmise au Congrès par le représentant américain au Commerce a refroidi de nouveau l'atmosphère, a rappelé M. Mulroney. Cette lettre faisait état des priorités qui devraient guider les négociations sur l'ALÉNA.

L'ex-premier ministre croit que la clause de l'ALÉNA dite «du pays d'origine», sujet de nombreux différends, et le mécanisme de règlement des litiges seront des enjeux importants de ces négociations. M. Mulroney presse aussi le gouvernement de nommer un négociateur très solide face à Washington pour cette nouvelle ronde - un interlocuteur de la trempe de Simon Reisman, qu'il avait nommé dans les années 1980.

L'ex-premier ministre possède une résidence en Floride et entretient des relations amicales avec M. Trump et avec l'homme d'affaires qui est maintenant le secrétaire américain au Commerce, Wilbur Ross. Selon des sources bien informées, M. Mulroney s'est entretenu à plusieurs reprises avec le premier ministre Trudeau. Il lui aurait notamment offert d'établir des liens avec la nouvelle administration, de prodiguer des conseils et de faire connaître à chacun les points de vue de l'autre capitale.

M. Mulroney racontait récemment dans une entrevue que lors d'un dîner, le président Trump lui avait dit à quel point il a aimé M. Trudeau lors de leur rencontre à Washington en février. L'ex-chef progressiste-conservateur a eu aussi des bons mots pour la chef intérimaire du Parti conservateur, Rona Ambrose, et ses députés, qui ont su, selon lui, mettre un peu de côté leur partisanerie dans ce dossier «qui représente un défi pour tout le pays». Il a aussi salué l'efficacité de la ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, à qui M. Trudeau a aussi confié tout le dossier du commerce entre le Canada et les États-Unis, justement.