«Scandaleux», «dégoûtant», «abusif» : le versement de primes de 4,8 millions de dollars à 340 cadres de Services publics et Approvisionnement Canada (SPAC) l'an dernier, dont plusieurs ont été impliqués dans la débâcle du système de paie Phénix, a soulevé une vague d'indignation à Ottawa.

La mise en place de ce système en février 2016 s'est révélée un fiasco, qui a entraîné des problèmes de paie pour des dizaines de milliers de fonctionnaires fédéraux. Cette situation n'a pas empêché SPAC d'octroyer de généreuses «primes de rendement» à ses cadres, des révélations qui ont fait bondir autant les syndicats que les partis d'opposition, mercredi.

«Je pense que le public a le droit le plus strict d'être scandalisé qu'on soit en train de payer des bonis à des gens qui sont responsables du plus important cafouillage administratif dans l'histoire du gouvernement du Canada», a lancé Thomas Mulcair, chef du Nouveau Parti démocratique.

Le député conservateur Erin O'Toole, candidat à la direction du PCC, s'est pour sa part dit «dégoûté» par le versement de primes. «L'argent n'aurait pas dû être versé. C'est clairement un gros problème. Ils appellent cela une prime à la performance, ou un bonus, pour un travail qui n'a pas été fait correctement.»

Les employés outrés

La révolte était aussi palpable chez les employés du gouvernement. Des milliers se sont retrouvés sans salaire pendant plusieurs mois, ou privés de paie pendant des congés parentaux.

«C'est scandaleux, a lancé Robyn Benson, présidente nationale de l'Alliance de la Fonction publique du Canada. Quel message le gouvernement envoie-t-il à nos membres? Qu'ils pèsent peu dans la balance et que ça ne change rien s'ils ne sont pas payés.»

Debi Daviau, présidente de l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada, estime quant à elle que le versement de primes constitue «une utilisation abusive de l'argent des contribuables canadiens.»

SPAC se défend

Les ratés du système Phénix sont encore loin d'être réglés, a admis la sous-ministre responsable de SPAC, Marie Lemay, même si des progrès ont été observés. Quelque 50 millions ont été engloutis dans le dossier, et le Ministère ignore combien devront encore être dépensés.

Pendant une séance d'information, mercredi, Mme Lemay a précisé que les 340 cadres récompensés par des primes n'ont pas tous été impliqués dans le dossier Phénix. Plusieurs y ont touché de près ou de loin, mais elle n'a pas été en mesure de dire combien.

SPAC estime néanmoins que les primes de 4,8 millions étaient pleinement justifiées. «Soyez assurés qu'on a regardé chaque évaluation de rendement, et on a évalué (les primes) en conséquence, a indiqué Marie Lemay. Les gens ont eu ce qu'ils méritaient.»

Quatre cadres limogés

À la sortie de la période des questions, la ministre responsable de SPAC, Judy Foote, a apporté quelques précisions. Elle a affirmé que les quatre plus hauts cadres responsables du dossier Phénix n'ont obtenu aucune prime, et qu'ils ont même quitté le Ministère. Elle a refusé de dire s'ils avaient été congédiés ou mutés ailleurs au gouvernement.

La ministre Foote a par ailleurs indiqué que l'encadrement des bonis ne relevait pas d'elle, mais plutôt du Conseil du Trésor. «Il serait totalement irresponsable qu'il y ait une intrusion du politique lorsqu'il est question des primes de rendement», a-t-elle dit.