Laxisme envers le fisc. Pouvoirs insuffisants. Manque d'expertise en fiscalité de l'ombudsman actuelle. Ignorance du Québec et piètre bilinguisme. L'ombudsman fédéral des contribuables est une « coquille sans substance, sans pouvoirs réels d'aider les contribuables » qui doit faire l'objet d'une « réforme majeure » ou disparaître, conclut une étude du professeur en droit fiscal André Lareau.

Dans cette étude publiée aujourd'hui à la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l'Université de Sherbrooke, le professeur André Lareau recommande d'élargir de façon considérable le mandat de l'ombudsman fédéral des contribuables et de hausser son budget en conséquence. 

Actuellement, l'ombudsman canadien reçoit les plaintes des citoyens sur la qualité des services du fisc fédéral, mais n'a pas juridiction pour venir en aide aux contribuables sur le fond dans le cadre de leur dossier. Après avoir comparé avec les États-Unis, l'Australie et le Mexique, M. Lareau conclut que l'ombudsman fédéral canadien, créé en 2007 sous le gouvernement Harper, fait piètre figure par rapport à ses homologues des autres pays.

« L'ombudsman [fédéral] est une coquille sans substance, sans réels pouvoirs permettant d'aider les contribuables. Il n'y a pas de volonté de l'ombudsman d'être à la recherche de pouvoirs supplémentaires. » - André Lareau, professeur en droit fiscal à l'Université Laval

Le professeur Lareau se désole aussi du fait que les deux premiers titulaires du poste, Paul Dubé et Sherra Profit (l'actuelle ombudsman des contribuables), n'étaient pas spécialisés en fiscalité au moment de leur nomination. Il suggère de prendre exemple sur les États-Unis et d'exiger par loi que l'ombudsman soit un spécialiste de la fiscalité.

« Mme Profit a beaucoup de bonne volonté, mais elle n'a pas l'expertise pour faire ce travail-là, dit André Lareau en entrevue à La Presse. Il faut aussi du personnel qualifié.

« Actuellement, il n'y a pas d'avocat spécialisé en fiscalité au bureau de l'ombudsman, ce qui devrait être son mandat. Comment peuvent-ils être proactifs dans leur mandat alors qu'ils n'ont pas la compétence pour déceler des problèmes par anticipation ? On ne peut pas anticiper des situations problématiques actuellement parce qu'on ne connaît pas le sujet. »

Le mandat de cinq ans de Mme Profit se termine à l'été 2020.

« TROP GRANDE PROXIMITÉ » AVEC LE FISC

Alors que l'ombudsman américaine croit « ne pas faire son travail correctement si vous n'êtes pas en conflit [avec le fisc] à un moment donné », le professeur Lareau évoque une « trop grande proximité » et un « laxisme » entre le Bureau de l'ombudsman des contribuables et l'Agence du revenu du Canada, qu'il compare à une relation employé-employeur.

« Ce laxisme que l'on retrouve dans les recommandations de l'ombudsman n'est certes pas souhaitable puisqu'il ne protège pas suffisamment les contribuables contre les abus dont ils peuvent être victimes », écrit André Lareau dans son étude.

Autre point à améliorer : les rapports de l'ombudsman avec le Québec et le niveau de bilinguisme. 

« L'ombudsman devra cesser d'ignorer le Québec lors de ses déplacements, et la qualité de la langue française dans ses rapports devra être nettement améliorée. » - André Lareau

« Le Bureau de l'ombudsman fait piètre figure, et la justification que nous a donnée madame Profit, soit que la version française des documents est rédigée par des traducteurs qui ne font pas partie de son bureau et qu'elle ne peut en assurer la qualité étant donné son niveau limité de connaissance du français, est inacceptable et fait preuve d'un manque de sensibilité pour les contribuables canadiens. »

D'AUTRES RECOMMANDATIONS DE L'ÉTUDE

que l'ombudsman devienne « l'outil de référence des contribuables dans la défense de leurs droits en matière fiscale » ;

que l'ombudsman offre un service de médiation et de représentation comme au Mexique ;

que l'ombudsman fasse une « analyse systémique ciblant des problèmes de substance en fiscalité vécus par une masse critique de contribuables » comme en Australie.