Un groupe de sénateurs tentera de scinder le projet de loi C-29 afin de bloquer les articles visant à soustraire les banques à l'application de la Loi sur la protection du consommateur (LPC) du Québec, a appris La Presse.

Le sénateur indépendant André Pratte indique avoir l'appui de plusieurs de ses collègues au Sénat afin de scinder le projet de loi C-29 et de bloquer la partie du projet de loi jugée problématique au Québec. Le premier ministre du Québec Philippe Couillard a demandé hier au Sénat de « jouer son rôle de représentant des régions du Canada » et de « se lever » pour empêcher « une amputation des responsabilités du Québec ».

Le projet de loi C-29 a été adopté à la Chambre des communes mardi et doit être adopté au Sénat avant de devenir une loi.

« Avec plusieurs autres sénateurs, nous sommes contre cette partie du projet de loi. Nous avons essayé de convaincre le gouvernement de la retirer du projet de loi, mais le gouvernement tient à le faire adopter [tel quel] », dit le sénateur indépendant André Pratte, qui dit avoir l'appui de « plusieurs sénateurs conservateurs, plusieurs indépendants et quelques libéraux ».

« Nous allons essayer d'amender le projet de loi pour en retirer cette partie-là [les modifications à la Loi sur les banques qui soustrairaient celles-ci à la LPC]. » - André Pratte, sénateur indépendant

Le sénateur libéral Serge Joyal, qui rappelle que le Sénat a déjà scindé un projet de loi budgétaire en 1993, a donné hier son appui à cette idée de scinder le projet de loi C-29.

En cas de refus par le Sénat d'adopter C-29 tel quel, le gouvernement Trudeau devra alors choisir s'il réintroduit C-29 à nouveau au Sénat ou s'il accepte de scinder le projet de loi.

« FAIRE PENCHER LA BALANCE »

Pour scinder le projet de loi C-29, il faudrait l'appui de 53 sénateurs sur 104 (il y a 41 sénateurs conservateurs, 20 sénateurs libéraux et 43 sénateurs indépendants). S'il obtient l'appui du caucus conservateur au Sénat, le sénateur André Pratte estime que le groupe sera « très proche d'une majorité de sénateurs, ça [lui] apparaît évident ».

Le sénateur Claude Carignan, leader de l'opposition (et du caucus conservateur) au Sénat, dit avoir personnellement « un penchant pour régler le problème d'empiétement de champs de compétence » que pose le projet de loi C-29.

Son caucus n'a pas encore pris de position dans ce débat. La prochaine réunion du caucus aura lieu mardi.

« Dans ce dossier-là, c'est notre caucus qui va faire pencher la balance. Nous regardons cet enjeu-là de façon particulière. » - Claude Carignan, sénateur et leader du caucus conservateur au Sénat

« Un des rôles du Sénat, c'est de protéger les champs de compétence des provinces. À première vue, ces dispositions-là ont pour objet d'empiéter dans les champs de compétence », dit le sénateur Carignan, qui a entendu « l'appel à l'aide » du premier ministre Couillard « sur un dossier d'empiétement de champs de compétence ».

Lors d'une séance du comité sénatorial des Finances, le sénateur André Pratte a demandé en vain au ministre fédéral des Finances Bill Morneau de scinder le projet de loi C-29. Le ministre Morneau, qui rappelle que les banques sont de compétence fédérale, estime que ces modifications à la Loi sur les banques font partie des mesures d'un budget « qui améliore la situation de la classe moyenne ». Le sénateur Serge Joyal rappelle que le Sénat a déjà scindé en 1993 un projet de loi budgétaire du gouvernement fédéral.

Le projet de loi fédéral C-29 a été critiqué au Québec par tous les partis politiques à l'Assemblée nationale, plusieurs experts en droit ainsi que la Chambre des notaires du Québec.

« Dans les provinces où il existe un régime de protection solide, au Québec mais pas seulement au Québec, ce projet de loi va priver les consommateurs d'une protection solide pour la remplacer par une protection moins solide », dit le sénateur André Pratte.

« Le gouvernement fédéral prétend tasser les provinces d'un champ de juridiction, la protection des consommateurs, que la Cour suprême a confirmé dans un jugement récent comme étant une juridiction provinciale. La protection des droits des provinces, c'est un des devoirs fondamentaux du Sénat. »