Près de 90 % des entreprises canadiennes manquent de «courage» lorsque vient le temps de prendre des risques, ce qui explique en partie pourquoi l'économie canadienne tourne actuellement au ralenti, suggère une nouvelle étude du cabinet Deloitte.

Réalisée l'an dernier auprès de 1200 dirigeants de compagnies, l'enquête de 46 pages obtenue par La Presse canadienne enjoint les sociétés à «oser» et à poser des gestes plus risqués, mais calculés.

Avec un taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) estimé à 1,3 % cette année au Canada, Deloitte espère que cette étude suscitera une réflexion au sein des entreprises canadiennes.

«Ce qu'on démontre clairement dans l'étude, c'est que les entreprises qui prennent des risques calculés présentent de meilleurs résultats», explique Marc Perron, associé directeur pour le Québec chez Deloitte, au cours d'un entretien téléphonique.

«Nous avons démontré véritablement, de façon empirique, qu'il y a un lien direct entre le niveau de courage des entreprises et leur performance», ajoute-t-il.

M. Perron espère que l'enquête fera réaliser aux entreprises que le risque peut être considéré comme un outil pouvant permettre de saisir de bonnes occasions d'affaires plutôt qu'une «excuse» pour ne pas aller de l'avant, ce qui, selon lui, représente un frein à l'innovation.

L'étude de Deloitte ne ventile pas de données par province, mais l'associé directeur pour le Québec chez Deloitte souligne qu'aucune ne se démarquait en ce qui a trait à l'indice du courage.

Voici un aperçu des constats dressés par le document :

Une performance au rendez-vous pour les adeptes du risque

Près des trois quarts des compagnies dites «courageuses» ont vu leur chiffre d'affaires croître au cours des 12 derniers mois, comparativement à seulement 46 % pour les entreprises plus frileuses. Près du tiers des sociétés plus craintives ont constaté une baisse de leurs recettes. Les entreprises plus tolérantes au risque sont également plus enclines à afficher une croissance au chapitre de l'embauche.

Qu'est-ce que le «courage»

Pour Deloitte le courage peut prendre diverses formes. Pour les compagnies, cela peut se traduire par des investissements plus importants en recherche et développement, un engagement plus prononcé à introduire de nouveaux produits sur le marché, des risques calculés ainsi que la remise en question du statu quo. Si 11 % des entreprises sont considérées comme «courageuses», 15 % demeurent «craintives», alors que 43 % se disent «hésitantes». Toutefois un changement de comportement a été constaté chez 30 % des répondants, qui sont sur la «bonne voie», selon l'étude.

«Il y a près d'un tiers des entreprises près d'être courageuses, souligne M. Perron. Cela est quand même un aspect positif.»

Des exemples

Parmi les décisions considérées audacieuses, l'étude cite entre autres l'acquisition de Shoppers Drug Mart - Pharmaprix au Québec - par Loblaw en 2013 pour 5,8 milliards de dollars. Deloitte estime que Loblaw, confronté à une concurrence de plus en plus féroce, n'a pas hésité à surprendre le marché en mettant la main sur un réseau de pharmacies, ce qui lui a notamment permis d'accroître son pouvoir d'achat, d'améliorer son accès dans les plus petites agglomérations et les centres urbains en plus de réaliser des gains d'efficacité.

En matière d'image, Deloitte donne l'exemple de la Banque TD qui est devenue en 1994 la première institution financière d'Amérique du Nord à offrir des avantages sociaux aux conjoints de même sexe. En 2014, l'institution a appuyé 42 festivals de la fierté LGBT au Canada et aux États-Unis.

«Avant que cet engagement ne devienne populaire, la TD savait qu'adopter un point de vue audacieux sur la question était tout simplement la bonne chose à faire, tant pour ces gens que pour le pays», fait valoir l'enquête.

Du rattrapage à faire

Malgré une certaine reprise de l'économie depuis la dernière récession, il y a place à l'amélioration, notamment en ce qui a trait aux dépenses canadiennes en recherche et développement, et ce, malgré les généreux incitatifs financiers gouvernementaux. En 2014, elles ne représentaient que 1,6 % du PIB canadien, alors que la moyenne des pays membres de l'OCDE est de 2,4 % du PIB.

«Les employeurs canadiens continuent d'investir moins qu'ils devraient pour améliorer la compétence de leurs employés, souligne le document. En fait, au cours des 20 dernières années, les dépenses de formation des entreprises canadiennes ont plongé de 40 %.»

Au chapitre du risque, selon des sondages réalisés en 2011 par Deloitte, 47,7 % des chefs d'entreprises canadiennes avaient de l'appétit pour le risque, comparativement à 57,7 % pour leurs homologues américains. Selon M. Perron, ces statistiques sont toujours d'actualité.