Le gouvernement fédéral croit que la réforme du Régime de pensions du Canada (RPC) provoquera un léger ralentissement de l'économie et de l'emploi à court terme, mais qu'elle aura un effet stimulant à long terme.

Même si le Québec n'y a pas adhéré, l'entente bonifiant le Régime de pensions du Canada (RPC) représente le « fédéralisme à son meilleur », selon le ministre fédéral des Finances Bill Morneau, qui se dit « certain [...] de trouver une solution qui va marcher pour les Québécois ».

Seule province n'ayant pas appuyé la proposition fédérale l'été dernier, le Québec ne veut pas de hausses de cotisations de retraite pour les personnes gagnant moins de 27 450 $ par an.

« Le Québec a choisi de ne pas se rallier à la proposition de bonification du RRQ/RPC tel qu'alors présentée par le fédéral, car notre gouvernement souhaite protéger les familles à faible revenu », a dit Audrey Cloutier, attachée de presse du ministre des Finances du Québec, Carlos Leitao.

Québec, qui peut modifier seul son régime de rentes, mènera cet automne sa propre consultation sur son Régime des rentes du Québec (RRQ), dont le régime a traditionnellement évolué en parallèle de façon étroite avec le Régime de pensions du Canada. Si Québec et Ottawa ne proposent pas les mêmes changements, il s'agirait de l'une des rares différences majeures entre les deux régimes de retraite financés à parts égales par les employés et les employeurs.

Malgré le désaccord avec Québec, le ministre Morneau est « certain qu'on va trouver une solution qui va marcher pour les Québécois », notamment au sujet des cotisations des personnes gagnant entre 21 000 et 27 450 $ par an, qui sont au coeur du désaccord.

« Je sais que [les responsables du Québec] sont en train de décider comment ils peuvent avoir un système qui marche avec le RPC. [...] Nous devons faire les choses ensemble qui vont marcher à travers le pays. » - Bill Morneau, ministre fédéral des Finances 

Témoignant hier devant un comité parlementaire à Ottawa, le ministre Morneau a souligné « l'esprit de collaboration » des provinces durant les négociations. Le député libéral de Gatineau, Steven MacKinnon, a parlé d'une « entente nationale incluant des bonifications au Québec qui devraient être annoncées d'ici quelques mois ». 

Québec n'a rien annoncé officiellement en vue de sa consultation. « C'est une décision importante et c'est dans cette optique que nous avons préféré prendre le temps de consulter les Québécois et Québécoises cet automne afin d'entendre dans un premier temps leurs préoccupations », a dit Audrey Cloutier.

LA FOURCHETTE DU DÉSACCORD : ENTRE 21 000 ET 27 450 $

À la table des négociations en juin, Québec proposait des modifications identiques au groupe des neuf provinces pour les Québécois gagnant plus de 27 450 $ par an en 2016 (la moitié du maximum de gains admissibles, un montant qui augmentera jusqu'à 36 225 $ en 2025 lorsque les changements entreront pleinement en vigueur). Pour ceux qui gagnent moins de 27 450 $ par an (ou 36 225 $ en 2025), Québec voulait qu'Ottawa bonifie le Supplément de revenu garanti - un programme fédéral - afin que ces personnes à revenu modeste ne subissent pas de hausses de cotisations.

En réponse aux préoccupations de Québec, le gouvernement Trudeau fait valoir qu'avec ses nouvelles mesures fiscales, les travailleurs gagnant moins de 21 000 $ (en revenus de 2019) auront davantage d'argent dans leurs poches à court terme tout en profitant de meilleures prestations de retraite à long terme. Les contribuables gagnant plus de 21 000 $ paieront des cotisations plus élevées mais auront droit à leur retraite à des prestations plus généreuses.

Selon l'entente liant les neuf provinces, le taux de remplacement du revenu passera de 25 à 33 %, le plafond des gains admissibles, de 58 000 à 82 700 $. Avec cette bonification, le taux de cotisation au RPC passera de 9,9 à 11,9 % d'ici 2023 - une « hausse fiscale massive » pour les employés et les employeurs, disent les conservateurs à Ottawa. Le ministre Morneau réplique que cette hausse des cotisations ne peut pas être décrite comme une hausse de taxes car elle entraînera une hausse des bénéfices pour les cotisants à leur retraite.

Même si le ministre Morneau estime que la réforme du RPC « contribuera à la croissance soutenue de l'économie » à long terme, Ottawa admet qu'il y aura un effet négatif temporaire sur l'emploi à court terme (réduction de l'emploi de 0,04 à 0,07 %). Selon le Globe and Mail, cet effet négatif équivaudrait à environ 1000 emplois perdus par an entre 2019 et 2029.

Au contraire de Québec qui peut modifier seul son régime, Ottawa doit avoir l'accord d'au moins sept provinces représentant 66 % de la population pour modifier le Régime de pensions du Canada. Neuf provinces appuient l'entente intervenue cet été.

QUELQUES CHIFFRES

+ 4000 $

Hausse annuelle à terme de la prestation annuelle du RPC pour une personne gagnant 50 000 $, qui verra sa prestation passer d'environ 12 000 $ par an à 16 000 $. Pour une personne gagnant 25 000 $, la hausse sera de 2000 $ (de 6000 $ par an à 8000 $). Pour une personne gagnant 82 700 $, la hausse sera de 6800 $ (de 13 200 $ par an à 20 000 $). Les modifications au RPC commenceront en 2019 et seront pleinement en vigueur en 2025.

+ 338 $

Qui dit hausse des bénéfices dit aussi hausse des cotisations. Selon Ottawa, une personne gagnant 50 000 $ paiera 338 $ de plus par an en cotisations à partir de 2025. La hausse sera de 182 $ pour un contribuable gagnant 25 000 $ et de 754 $ pour un contribuable gagnant 82 700 $.

970 millions

Coût pour Ottawa de deux mesures fiscales accompagnant la bonification du RPC : la déduction des cotisations supplémentaires des employés coûtera 710 millions, et une aide fiscale aux travailleurs à faible revenu coûtera 260 millions en 2020-2021. À terme, Ottawa fera toutefois des économies sur les prestations de Supplément de revenu garanti, soit environ 100 millions par an après 20 ans de réforme.