Le budget contient une bien mauvaise surprise pour les petites et moyennes entreprises. Sans avertissement, le gouvernement annule la baisse prévue du taux d'imposition des PME.

À terme, cette décision alourdit le fardeau fiscal des PME d'environ 800 millions par année, selon l'information transmise mardi par les fonctionnaires du ministère des Finances.

Le taux d'imposition devait baisser d'un demi-point de pourcentage par année pendant trois ans. Or, le gouvernement de Justin Trudeau bloque le taux applicable aux PME à 10,5%, son niveau de 2016. Ce taux se compare au taux général d'imposition sur les bénéfices des entreprises de 15 %.

Le taux réduit s'applique aux entreprises ayant moins de 500 000 $ de revenus imposables.

«C'est une promesse rompue envers les PME », dit Martine Hébert, porte-parole de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Elle brandit un papier dans lequel les Libéraux s'engageaient en campagne électorale à maintenir la réduction progressive du taux PME, qui devait atteindre 9% en 2019.

«On se plaint que les entreprises ont le pied sur le frein au niveau de l'investissement. C'est sûr quand la prévisibilité n'est pas là, comment voulez-vous que les entreprises soient enclines à créer des emplois ou à investir ? » demande Mme Hébert.

Selon la FCEI, chaque demi-point de pourcentage du taux d'imposition correspond à une facture de 300 millions pour les PME. L'impact net de la mesure est moindre, car le gouvernement rajuste à la hausse le crédit d'impôt sur le dividende. L'idée est d'assurer la pleine intégration fiscale, c'est-à-dire qu'il n'y a pas d'avantages au niveau fiscal à privilégier une rémunération sous forme de salaire ou de dividende.

À noter que le gouvernement a décidé de ne pas aller de l'avant avec l'idée de modifier le traitement fiscal relatif à l'octroi d'options d'achat d'actions. Une disposition qui profite aux PME comme à la grande entreprise.

«Un budget étatique», selon le patronat

«C'est un budget étatique, résume Yves-Thomas Dorval, PDG du Conseil du patronat du Québec. C'est de l'interventionnisme étatique. Il n'y en a que pour les services publics, les infrastructures. Où met-on le plus d'argent dans les entreprises ? À Radio-Canada, répond M. Dorval à sa propre question. «Il n'y a pas grand-chose dans le budget pour les entreprises privées, poursuit-il. Il n'y a pas de signal dans le budget que le gouvernement considère les entreprises aussi importantes pour la croissance économique que d'autres groupes.»

Le budget ne contient pas de mesures pour stimuler l'investissement privé, sauf en ce qui a trait aux technologies propres et la réduction des gaz à effet de serre, constate M. Dorval. Il se réjouit néanmoins des investissements dans le transport en commun.

Tant M. Dorval que Mme Hébert sont déçus du retour des gros déficits, sans retour prévisible à l'équilibre. «On a respecté les promesses, mais on n'a pas respecté le cadre financier, dit M. Dorval. On l'a défoncé en passant d'un déficit de 10 à 30 milliards.» 

Le milieu patronal voit d'un mauvais oeil certaines des bonifications apportées au régime d'assurance emploi comme l'allongement du nombre de semaines de prestations jusqu'à 70 pour des régions ciblées. Du point de vue des employeurs, ça signifie le report sine die de futures baisses du taux de cotisation au régime d'assurance-emploi.

La FCEI s'inquiète en outre de la volonté du gouvernement de récupérer 2,6 milliards en cinq ans en luttant contre l'évitement fiscal. Le fédéral dépensera 444 millions notamment pour engager plus de vérificateurs. Québec a adopté pareille approche dans le passé, ce qui s'est traduit entre autres par des contrôles fiscaux discutables à l'endroit des PME.