Le gouvernement Trudeau rompt de manière spectaculaire avec la philosophie budgétaire de l'ancien régime conservateur en annonçant des déficits de 29,4 milliards pour chacune des deux prochaines années afin de faire des investissements « stratégiques » dans les infrastructures et les Premières nations et financer diverses mesures pour donner de l'oxygène à la classe moyenne.

Le ministre des Finances, Bill Morneau, a présenté mardi à la Chambre des communes son premier budget qui confirme que l'ensemble du mandat du gouvernement libéral sera dominé par l'encre rouge. Le retour à l'équilibre, que les libéraux avaient promis au plus tard en 2019-2020 durant la dernière campagne, n'apparaît plus sur le radar du ministre des Finances durant les cinq prochaines années. En tout, le gouvernement Trudeau prévoit ajouter 111 milliards de dollars à la dette accumulée entre 2016-2017 et 2020-2021, qui atteindra alors 732,5 milliards de dollars.

Mais M. Morneau s'est donné un coussin financier annuel de 6 milliards pour être en mesure d'atteindre ses cibles budgétaires. Et il n'écarte pas la possibilité que les investissements du gouvernement donnent suffisamment de tonus à l'économie pour regarnir les coffres de l'État au point de sortir Ottawa de l'ornière des déficits en 2021.

Le gouvernement Trudeau juge que le contexte économique et budgétaire n'a jamais été aussi favorable - le taux d'endettement relativement peu élevé du Canada (31,2 % du produit intérieur brut) et les faibles taux d'intérêt - pour financer des mesures de relance et donner un coup de pouce à la classe moyenne, les étudiants inscrits aux études universitaires et les communautés autochtones.

« Aujourd'hui, nous commençons à redonner espoir à la classe moyenne. Aujourd'hui, nous commençons à redynamiser l'économie. Aujourd'hui, nous commençons à mettre en oeuvre un plan à long terme qui repose sur des investissements judicieux et sur une conviction inébranlable selon laquelle il est possible de réaliser des progrès pour faire en sorte que l'avenir du Canada soit à la grandeur de nos ambitions », a affirmé le ministre des Finances dans son discours aux Communes.

Les infrastructures comme outil de relance

Fidèle à sa promesse électorale, le gouvernement Trudeau sort le chéquier pour les infrastructures. Dans une première phase, il compte 3,4 milliards sur trois ans pour rénover et améliorer les réseaux de transports en commun, 3,4 milliards sur cinq ans pour les « infrastructures sociales » telles que le logement abordable, les installations culturelles et sportives et pour la garde de jeunes enfants et 2 milliards pour des infrastructures liées au traitement des eaux usées et l'approvisionnement en eau potable. Le gouvernement annonce aussi une somme de 518 millions pour des projets liés à l'adaptation et le renforcement des infrastructures aux effets des changements climatiques. Au cours des 10 prochaines années, les investissements supplémentaires en infrastructures devraient friser les 60 milliards, en plus des 65 milliards déjà annoncés pour la même période par l'ancien gouvernement conservateur.

Les points saillants du budget fédéral

• Le déficit prévu pour l'année financière 2016-2017 atteint 29,4 milliards ; il doit ensuite être réduit à 29,0 milliards en 2017-2018, 22,8 milliards en 2018-2019, 17,7 milliards en 2019-2020 et 14,3 milliards en 2020-2021.

• Les dépenses de programmes bondissent sous le nouveau gouvernement libéral: elles passent de 270,9 milliards en 2015-2016 à 291,4 milliards en 2016-2017, puis à 304,6 milliards en 2017-2018. En 2020-2021, elles doivent atteindre 323,2 milliards.

• Le ministre Morneau prévoit que ses mesures de relance de l'économie entraîneront une hausse du produit intérieur brut de 0,5 % dans la première année et de 1,0 % au cours de la deuxième année.

• Les parents d'enfants de moins de 18 ans toucheront la nouvelle Allocation canadienne pour enfants à compter du mois de juillet. Une famille qui a deux enfants et dont le revenu annuel s'élève à 90 000 $ recevra 5650 $, soit 2500 $ de plus que dans le système actuel.

• Le gouvernement prévoit des investissements de 8,4 milliards en cinq ans pour l'amélioration des conditions de vie des peuples autochtones.

• Abolition du fractionnement du revenu pour les couples avec enfant, du crédit d'impôt pour les activités sportives des enfants ainsi que du crédit d'impôt pour les activités culturelles des enfants.

• Le taux d'imposition pour les petites entreprises est réduit de 11 à 10,5 %, mais l'engagement du précédent gouvernement de le ramener à 9 % est reporté indéfiniment.

• Une somme additionnelle de 5,6 milliards sur une période de cinq ans est allouée aux anciens combattants et à leurs familles, dont une augmentation de l'indemnité d'invalidité, qui pourra atteindre 360 000 $. Le gouvernement entend aussi rouvrir neuf centres de services pour anciens combattants qui avaient été fermés par le précédent gouvernement, en plus d'en ajouter un autre.

• Le gouvernement entend investir 675 millions sur une période de cinq ans dans la Société Radio-Canada.



- Avec La Presse Canadienne