La Banque du Canada s'est lancée dans une quête de trois ans qui la verra explorer les leçons tirées de la crise financière et tenter de se préparer en vue des éventuelles turbulences qui pourraient survenir.

Carolyn Wilkins, la numéro deux de la banque centrale, a annoncé vendredi le lancement d'un programme de recherche qu'elle a qualifié d'«ambitieux», lequel s'intéressera à la façon dont les autres pays ont réagi à la crise de 2008, un événement qui a forcé certaines nations à pousser les politiques monétaires traditionnelles à leurs limites.

Selon Mme Wilkins, il est important de faire preuve d'innovation avec les outils existants parce que les conditions d'après-crise ont réduit le potentiel qu'a l'économie de croître sans générer d'inflation.

La première sous-gouverneure affirme que si la Banque du Canada continuait à cibler une inflation de deux pour cent, il est plus probable, dans l'environnement actuel, que le taux d'intérêt directeur tombe à zéro.

L'entente de cinq ans actuelle sur la maîtrise de l'inflation entre la Banque du Canada et le gouvernement fédéral expirera à la fin de l'an prochain.

«Le régime actuel de ciblage de l'inflation fonctionne bien; donc, pour ce qui est de le changer, la barre est placée très haut. Cela dit, l'histoire a démontré que nous ne pouvons pas nous en tenir indéfiniment à une seule manière de faire les choses», a déclaré Mme Wilkins dans le texte d'un discours qu'elle a prononcé à Toronto pour l'École de gestion Rotman et l'École Munk des affaires internationales.

«Un défi important auquel les banques centrales sont actuellement confrontées est que les politiques monétaires traditionnelles ont été poussées à leurs limites dans certains pays, où le taux directeur est à zéro, voire en deçà.»

La Banque du Canada, a ajouté Mme Wilkins, a déjà commencé à examiner l'utilisation des outils novateurs de politique monétaire auxquels d'autres banques centrales à travers le monde ont eu recours, incluant des programmes d'achats d'actifs, ou des mesures d'assouplissement quantitatif, et des taux d'intérêt nominaux négatifs.

Le plan de la banque promet en outre de se pencher sur les façons de répondre aux changements mondiaux déjà en cours.

Mme Wilkins a évoqué divers exemples, notamment la montée des méthodes alternatives de paiement comme PayPal et la croissance de la popularité de l'économie de partage avec des services comme Uber.

«Nous devons imaginer un monde dans lequel les gens utilisent principalement la monnaie électronique, qui n'est même pas nécessairement libellée en monnaie nationale, comme le bitcoin», a affirmé Mme Wilkins.

«Dans un tel contexte, une nouvelle dynamique apparaîtrait au sein de l'ordre monétaire mondial, qui compliquerait la conduite de la politique monétaire par les banques centrales.»

Le Canada est un habitué de l'innovation en politique monétaire, a-t-elle soutenu. En 1950, le pays est devenu le premier pays industrialisé à adopter un taux de change flottant.

En 1991, après des années de hausses pour l'inflation et les taux d'intérêt, la Banque du Canada est devenue la deuxième banque centrale au monde à mettre en place un régime de ciblage de l'inflation, même si à l'époque, a rappelé Mme Wilkins, plusieurs experts mondiaux considéraient cette solution comme impossible à mettre en oeuvre.

«En réalité, (le succès du ciblage de l'inflation) a probablement détourné l'attention des banques centrales, les empêchant de s'attaquer aux questions difficiles concernant l'accumulation de risques financiers qui a mené à la crise mondiale», a-t-elle affirmé.

«Ce dur constat nous rappelle que nous devons résister au biais de confirmation et ne pas tomber dans la complaisance.»

La Banque du Canada va aussi réaliser d'importants investissements dans ses modèles et la recherche économiques. L'objectif est de mieux informer les autorités fédérales au sujet des meilleures combinaisons de potentielles politiques - qu'elles soient monétaires, fiscales ou macroprudentielles.