Le ministre fédéral des Finances en a fait sourciller plusieurs la semaine dernière en donnant publiquement son avis sur la politique monétaire - pas nécessairement à cause de ses vues en la matière, mais car il semblait ainsi s'aventurer trop loin sur le terrain de la Banque du Canada.

En réponse à une question d'un journaliste sur le ralentissement économique, mardi, à Toronto, Joe Oliver a déclaré que l'assouplissement quantitatif n'était pas «sur la table».

Ce type de politique monétaire verrait la Banque du Canada acquérir des titres du gouvernement ou d'autres valeurs mobilières dans un effort pour mettre davantage d'argent en circulation et stimuler l'économie.

Le commentaire de M. Oliver a soulevé des questions à savoir si les frontières entre le gouvernement conservateur et la banque centrale avaient été brouillées.

Dans la pratique, il revient au gouverneur de la Banque du Canada, Stephen Poloz, de déterminer si un assouplissement quantitatif sera mis en vigueur.

Ian Lee, professeur en économie à l'Université Carleton à Ottawa, a souligné que bien que la Banque du Canada est supposée être libre de prendre ses propres décisions sans l'avis du gouvernement, le gouverneur peut ressentir sans nul doute la pression de suivre la voie tracée par le ministre des Finances. Ultimement, le ministre est le patron du gouverneur, a-t-il fait valoir.

«Je crois que le ministre Oliver a outrepassé ses fonctions en excluant (l'assouplissement quantitatif), car cette décision ne lui revient pas», a dit M. Lee.

«Vous pouvez le penser, vous pouvez le dire en privé, mais je ne crois pas que c'est le genre de choses que devrait dire le ministre des Finances. C'est une question de respecter le caractère délicat des deux positions», a-t-il poursuivi.

M. Oliver n'est pas le seul ministre des Finances de l'administration Harper à s'être immiscé dans le débat de la mesure controversée de l'assouplissement quantitatif.

En octobre 2013, le ministre fédéral des Finances d'alors, Jim Flaherty, a affirmé aux journalistes n'avoir jamais été favorable à l'assouplissement quantitatif mené par la Réserve fédérale des États-Unis, bien qu'il ait semblé soutenir la mesure en 2010.

À ce moment, la position ferme de M. Flaherty sur la question semblait montrer un désaccord avec M. Poloz.

Témoignant devant la Chambre des communes le même mois, M. Poloz avait reconnu que toute décision sur un assouplissement quantitatif serait un effort d'«équipe» entre la banque centrale et le ministre des Finances.

John Penner, un porte-parole du bureau de M. Oliver, a dit par courriel, dimanche, que la politique de la Banque du Canada stipule qu'elle se «coordonnerait avec le gouvernement fédéral si elle envisageait un assouplissement quantitatif».

Stephen Gordon, professeur en économie de l'Université Laval, à Québec, a dit trouver «inquiétants» les commentaires de ministres des Finances sur les questions de politique monétaire, particulièrement s'il ne s'agit pas de cas isolés.

L'économiste en chef à la CIBC Avery Shenfeld a affirmé que le gouverneur de la Banque du Canada avait moins d'indépendance que le président de la Réserve fédérale des États-Unis. Mais il a ajouté que les gouverneurs de la Banque du Canada conservaient une certaine liberté, disant croire que tout geste d'un gouvernement pour remplacer de manière anticipée un titulaire serait un «événement rare et troublant».