Que faire quand la demande intérieure stagne et que les investissements privés se font trop rares ? Que faire quand le commerce extérieur n'arrive à profiter ni d'une monnaie dépréciée ni du regain de la croissance américaine ?

Que faire lorsque la ratification ou la conclusion de vastes traités de libre-échange entre deux continents se butent à la volonté d'élus étrangers, sensibles aux craintes de leurs commettants ?

C'est à tout cela que fait face le gouvernement fédéral pour ranimer la croissance canadienne, au moment où son agenda est plutôt centré sur l'atteinte du sacro-saint équilibre budgétaire et sur la campagne électorale automnale, où les jeux sont loin d'être faits.

Pourtant, on ne peut s'en remettre aux seuls mécanismes du marché pour relancer les exportations ou la production manufacturière.

Il faut plutôt stimuler la croissance et s'efforcer de dissiper les doutes chez ceux qui craignent certains effets d'une plus grande ouverture des frontières.

Le choc pétrolier a fait mal aux exportations canadiennes d'énergie. Le secteur manufacturier, sur qui on misait pour prendre le relais, déclare forfait jusqu'ici. Les livraisons manufacturières stagnent depuis 2011, même si notre monnaie a perdu 20 cents d'équivalence avec le billet vert depuis.

Affaiblir davantage le huard par une nouvelle baisse du taux directeur de la Banque du Canada pour donner un avantage compétitif est plus une lame à double tranchant qu'une panacée. Elle augmente le coût de l'équipement importé alors que les entreprises doivent mieux s'outiller pour augmenter leur productivité et elle affaiblit le pouvoir d'achat des ménages alors qu'ils peinent à soutenir leur consommation.

La semaine dernière, Ottawa a aussi vu s'évanouir son rêve d'un accès prochain à plusieurs économies du Pacifique, dont celle du Japon, troisième puissance du monde.

La ratification du Partenariat Trans-Pacifique (PTP) n'est plus pour demain, par suite du refus de la Chambre des représentants d'autoriser le président Barack Obama à recourir à la procédure accélérée. Celle-ci aurait limité le pouvoir des deux Chambres du Congrès à l'adopter en bloc ou à le rejeter, sans possibilité de le détricoter à leur guise.

La ratification de ce traité général de libre-échange entre 12 pays (Australie, Brunei, Canada, Chili, États-Unis, Japon, Malaisie, Mexique, Nouvelle-Zélande, Pérou, Singapour et Viêtnam) ne pourra être relancée que par le prochain locataire de la Maison-Blanche, en 2017, si tel est son désir, ce qui est loin d'être acquis s'il s'agit d'un (e) démocrate.

La volonté des entreprises d'ouvrir les marchés ne suffit pas.

Ottawa doit donc rapidement relancer ses négociations bilatérales avec le Japon, mises en veilleuse par ce dernier qui misait avant tout sur le succès du PTP.

Ottawa doit aussi manifester ouvertement de l'intérêt pour l'initiative lancée l'automne dernier par le président chinois Xi Jinping. Lors du sommet du Forum de coopération économique Asie-Pacifique (APEC), M. Xi a fait approuver la feuille de route d'une zone de libre-échange entre les 21 pays membres.

Cette idée n'est pas nouvelle. Déjà, en 1994, au sommet de Bogor en Indonésie, la déclaration finale de l'APEC faisait état de la volonté de créer une telle zone de libre-échange d'ici 2020. Le premier ministre de l'époque, Jean Chrétien, avait salué l'initiative, alors que l'Accord nord-américain de libre-échange avec les États-Unis et le Mexique venait d'entrer en vigueur quelques mois plus tôt.

Dernièrement, la favorite à l'investiture démocrate, Hillary Clinton, a qualifié d'« erreur » l'ALENA dans le but de séduire les travailleurs semi-qualifiés. Ils croient faire les frais des délocalisations que le libre-échange facilite.

Adhérer par exemple à la Banque asiatique d'investissement en infrastructures, une autre initiative de Pékin, serait sans doute une ouverture opportune avec la Chine. Des pays amis du Canada, comme le Royaume-Uni et l'Australie, n'ont pas hésité à le faire.

Ottawa doit aussi prendre au sérieux les réticences grandissantes des parlementaires européens à ratifier dans sa forme actuelle l'Accord économique et commercial global (AECG) conclu l'an dernier.

Beaucoup d'entre eux s'inquiètent que les litiges possibles entre un investisseur et un État soient arbitrés par des personnes non assujetties aux instances démocratiques. Cela équivaut à leurs yeux à écorner davantage le pouvoir des élus au profit du capital.

Ces réticences font obstacle jusqu'ici à la ratification par l'Europe du traité transatlantique entre les États-Unis et l'Union européenne. La même réticence prévaut pour l'AECG.

Plutôt que de pousser pour l'adoption de l'accord tel quel, comme le fait le ministre Ed Fast, peut-être vaudrait-il mieux se rasseoir à la table et réécrire les clauses litigieuses.

Les marchés ne le feront pas...

INFOGRAPHIE LA PRESSE