Malgré une entente arrachée à Revenu Canada, les dentistes et autres contribuables à revenus élevés qui ont investi dans l'abri fiscal Prospector ne gagnent à peu près rien du conflit qui les oppose au fisc depuis plus de cinq ans.

L'affaire Prospector a fait couler beaucoup d'encre au fil des ans. Prospector et son promoteur Claude Duhamel ont plaidé coupable à des accusations de fraude fiscale. Les deux ont aussi reconnu leur culpabilité à des accusations de sollicitation illégale de fonds auprès d'investisseurs.

La semaine dernière, La Presse Affaires écrivait que l'équipe derrière Prospector relançait son abri fiscal sous un nouveau nom, Edge ou Highshare. Comme dans Prospector, l'investisseur est invité à acheter à crédit une franchise de commercialisation de logiciels qui donne droit, prétendent ses promoteurs, à d'alléchantes déductions d'impôt.

Les vendeurs du concept se servent d'un jugement de la Cour canadienne de l'impôt et d'une entente-cadre intervenue entre les franchisés Prospector et Revenu Canada comme argument de vente de leur nouveau produit Edge ou Highshare.

Au net, le jeu n'en vaut pas la chandelle, soutiennent toutefois un conseiller financier et un franchisé à qui nous avons parlé.

« Si mon client va faire 500 $ avec sa franchise achetée en 2007, c'est beau », dit un conseiller qui ne veut pas être identifié.

Dans un courriel, un franchisé qui a réclamé l'anonymat n'y va pas par quatre chemins pour dire ce qu'il pense de son aventure : « Quel merdier qui au bout du compte nous aura coûté une partie des fonds de notre retraite actuelle », écrit-il.

La Presse Affaires a obtenu l'entente-cadre entre les avocats des franchisés Prospector et Revenu Canada, un document confidentiel. Cette entente fait suite à la victoire d'André Drouin, franchisé Prospector, en Cour canadienne de l'impôt. La décision de mai 2013 rejetait la cotisation de l'Agence du revenu du Canada. Celle-ci a toutefois estimé qu'il s'agit d'une cause particulière et a maintenu ses réclamations envers les autres investisseurs, tout comme Revenu Québec.

En gros, dans l'entente-cadre, Revenu Canada accepte les déductions réclamées par les franchisés, mais se rattrape par la suite. Selon l'entente, les franchisés doivent convertir leur franchise en une action d'une nouvelle société. Les actions seront par après rachetées par le franchiseur Marc Bernier, établi dans un paradis fiscal.

Il n'y a aucun échange d'argent. Le prix de l'action correspond au prêt consenti par le franchiseur au franchisé au moment de l'achat de la franchise à crédit. Le fisc imposera le gain en capital réalisé par les ex-franchisés sur cette dernière transaction.

Étant donné les intérêts que les franchisés ont dû payer au réseau Prospector, souvent 15 000 $ par année pendant trois ans, l'investissement dans Prospector n'est pas payant en bout de piste.

Selon le texte de l'entente, le fisc ne réclamera pas de pénalités aux franchisés. Par contre, il n'est pas exclu qu'il réclame des intérêts sur la facture fiscale, ce qui réduirait encore davantage le gain fiscal net des franchisés.

L'entente-cadre est en effet silencieuse au sujet de ces intérêts. L'avocat des franchisés, Jean-François Dorais, du cabinet Lapointe Rosenstein, a fait une demande au fisc pour que ces intérêts soient annulés en tout ou en partie. Il cherche aussi à conclure une entente avec Revenu Québec.