Depuis le début de l'année, l'économie canadienne crée en moyenne 8800 emplois par mois, tandis que celle du Québec en élimine 4500.

Voilà un tableau bien plus réaliste, et inquiétant, de la volonté d'embauche des employeurs que les données mensuelles et plus volatiles de l'Enquête sur la population active (EPA) de Statistique Canada.

Celles de juin paraissent un peu plus reluisantes pour le Québec où on a observé 3500 emplois de plus en juin par rapport à mai, tous à temps plein de surcroît. Le taux de chômage a néanmoins monté d'un cran, à 8,1%, à cause du gonflement de 10 000 personnes de la population active, celle qui détient un emploi ou tente d'en trouver un.

Ce dernier élément, souvent perçu comme une manifestation d'optimisme, masque toutefois que les rangs de cette même population active se sont dégarnis de 9100 éléments depuis décembre.

Quand on regarde les chiffres par région métropolitaine de recensement, on prend mieux la mesure de l'affaiblissement de l'économie montréalaise qui accuse à elle seule la suppression de 32 200 emplois cette année, dont 8600 en juin (voir tableau).

La fermeture annoncée plus tôt cette semaine de l'usine Energizer aggravera une hémorragie pour laquelle on s'échine à trouver le bon garrot.

La contre-performance du Québec, de sa métropole surtout, déteint sur l'ensemble du tableau canadien. En juin, les données de l'EPA font état de 9400 emplois en moins, ce qui a poussé le taux de chômage d'un cran, à 7,1%. Depuis un an, il oscille autour de 7%. Cela reflète à la fois une économie qui crée peu d'emplois (à peine 6000 en moyenne par mois depuis un an) et une population vieillissante qui fait diminuer le taux d'emploi qui n'est plus qu'à 61,1%, soit bien près de son creux cyclique.

Au Québec, il se situe à 59,6% pour un deuxième mois d'affilée; en Ontario, à 60,9%, en baisse de trois crans.

Ces pourcentages masquent toutefois une réalité: de plus en plus de Canadiens et de Québécois retardent l'âge de leur retraite. Pour refléter cette réalité, l'économiste Pierre Fortin mesure le taux d'emploi de la tranche des 15-64 ans de la population. Bien qu'en baisse cette année, ces taux ont beaucoup augmenté au cours du présent cycle, surtout au Québec où le taux d'emploi se maintient au-dessus de ses niveaux du cycle précédent, ce qui est loin d'être le cas du taux ontarien.

Cette note encourageante ne doit pas faire perdre de vue l'ensemble de l'oeuvre: le marché du travail canadien (et québécois) traverse une grande léthargie, surtout dans l'est du pays.

Même l'Ontario, dont l'économie était parvenue à tirer son épingle du jeu cette année, a reçu une vraie douche froide le mois dernier avec la disparition de 33 900 emplois. Son taux de chômage a monté de deux crans, à 7,5%.

Le secteur manufacturier ontarien souffre: la perte record de 13 600 emplois le mois dernier porte l'hécatombe à 34 200 depuis un an. Toutes proportions gardées, le Québec paraît s'en tirer mieux, y allant même d'un maigre gain de 2500 emplois en usines, en juin, chiffre toutefois dans la marge d'erreur de l'EPA. Il en compte néanmoins 23 000 de moins depuis le début de l'année, alors qu'il s'en était ajouté à peine 2700 pour l'ensemble de 2013.

Certains pourront chercher un réconfort dans le fait que la perte de 9400 emplois à l'échelle canadienne est le solde de 33 500 emplois à temps plein de plus et de 43 000 postes à temps partiel de moins. Au final cependant, le nombre d'heures travaillées est inférieur de 0,4% à celui de mai et il stagne depuis un an.

Sur un autre angle, le solde mensuel correspond à la disparition de 32 900 emplois salariés (dont 21 000 dans le secteur privé) et à l'ajout 23 400 travailleurs autonomes, du travail souvent précaire.

Bref, les chiffres de juin sont une grande déception, surtout quand on les compare à ceux des États-Unis où le nombre de salariés non agricoles a augmenté de 288 000 en juin tandis que le taux de chômage diminuait de deux crans, à 6,1%.

Une plus faible proportion d'Américains participent au marché du travail où, de surcroît, le seuil d'entrée est de 16 ans plutôt que 15 ans comme au Canada.

Selon la méthodologie américaine, le taux de chômage canadien est aussi de 6,1%, mais l'atonie présente de notre marché du travail laisse présager que le taux américain pourrait bientôt l'éclipser.

Ce qu'ils en pensent

«Le manque d'emplois dans le secteur privé est inquiétant et, à en croire la récente Enquête sur les perspectives des entreprises de la Banque du Canada, les perspectives d'embauche ne sont pas enthousiasmantes.»

- Krishem Rangasamy, Banque Nationale marchés financiers

«Il faudra encore quelques mois pour chasser la morosité ambiante et raffermir la confiance des employeurs au pays. C'est alors que les répercussions se feront sentir sur le marché du travail.»

- Joëlle Noreau, Desjardins études économiques

«La fabrication était un point faible en Ontario avec la suppression de 13 600 jobs. Le nombre de salariés en usine est passé sous les 750 000, un creux de près de 40 ans et une chute de 33% en 10 ans.»

- Douglas Porter, BMO marchés des capitaux