Au cours de son passage aux Finances canadiennes, Jim Flaherty aura eu l'occasion de présenter neuf budgets, de piloter le retour prochain à l'équilibre budgétaire après une dure récession, d'annoncer des baisses du fardeau fiscal des particuliers et des entreprises, de diminuer le déséquilibre fiscal entre Ottawa et les provinces, de conclure des ententes avec trois d'entre elles pour harmoniser les taxes de vente en échange de compensations et de faire preuve d'entêtement dans le dossier des autorités des marchés financiers.

À son arrivée aux commandes en 2006, au sein d'un gouvernement minoritaire, les finances publiques engendrent des surplus depuis 1999. M. Flaherty remplit une promesse électorale en abaissant d'un point de pourcentage la taxe sur les produits et les services (TPS). Il retranchera un autre point deux ans après, malgré les signes de récession qui se multiplient.

L'année suivante, il fait siennes les recommandations du Groupe d'experts sur la péréquation, mis sur pied par un Paul Martin cédant aux pressions des provinces. Le Québec est le grand gagnant de cette réforme qui permet alors à Jean Charest de promettre des baisses d'impôt en pleine campagne électorale.

M. Flaherty sera vertement critiqué pour cette réforme, pourtant équitable, par des provinces comme Terre-Neuve-et-Labrador et la Saskatchewan, dont les rentrées fiscales tirées de l'exploitation pétrolière les excluront de la péréquation.

M. Flaherty aura aussi fait preuve de transparence dans le versement des paiements de transfert. Il clame avoir rétabli l'équilibre fiscal entre Ottawa et les provinces.

Les choses se gâtent toutefois en 2008 pour le ministre. Les économistes, qui l'avaient déjà critiqué pour avoir abaissé la TPS plutôt que les tables d'impôt, lui reprochent de s'entêter à rembourser la dette, au lieu de prévoir une réserve pour faire face à la récession qui s'attaque déjà à l'économie américaine à belles dents. M. Flaherty choisit même de remplir une autre promesse électorale : la création du Compte d'épargne libre d'impôt, qui privera à terme le Trésor fédéral de recettes de plus en plus considérables.

Quand la récession frappe le Canada, le ministre ouvre les vannes, comme le prescrivent le FMI et l'OCDE. Malgré des dépenses additionnelles de 40 milliards sur deux ans, M. Flaherty croit pouvoir rétablir l'équilibre budgétaire en 2013-2014. L'exercice qui prend fin se soldera plutôt par un déficit aux environs de 15 milliards.

Néanmoins, la sortie du rouge reste possible en 2014-2015, alors que l'exercice suivant sera selon toute vraisemblance marqué par un surplus substantiel.

M. Flaherty s'y est pris tout autrement que Paul Martin pour redresser les finances publiques.

Il n'a pas sabré les transferts aux provinces ni décrété le gel des déductions fiscales. Il a choisi d'amincir la fonction publique et les services publics offerts par Ottawa. Les coupes dans le service postal annoncées dernièrement en sont une manifestation.

Le ministre a même diminué le taux d'imposition de l'impôt sur le revenu des sociétés, pourtant parmi les plus faibles des pays économiquement avancés.

Parallèlement au redressement des finances publiques, M. Flaherty a annoncé le plafonnement des hausses de paiements de transfert aux provinces et dédommagé l'Ontario et le Québec pour avoir harmonisé leur taxe de vente. Une entente avait aussi été conclue avec la Colombie-Britannique, mais elle a été rejetée par référendum.

M. Flaherty termine sa carrière à la veille du retour à l'équilibre budgétaire qu'il aura orchestré. Un peu comme Moïse qui n'a pu qu'entrevoir la Terre promise.

En revanche, il laisse en plan un chantier auquel le Québec et, sans doute, d'autres provinces vont s'opposer : la création d'une seule autorité pancanadienne des marchés financiers, basée à Toronto, même s'il s'agit d'une compétence provinciale confirmée par la Cour suprême.