Après avoir passé des années à combattre férocement la hausse de l'inflation, le Canada se sent maintenant menacé par le phénomène inverse, soit la faible croissance des prix des biens et services.

L'ennemie d'hier semble bien être devenue l'amie de l'économie d'aujourd'hui. Le taux annuel d'inflation en 2013 est de 0,9%, trop bas au goût de la Banque du Canada qui voudrait qu'il oscille entre 1 et 3%, donc idéalement qu'il se situe à 2%.

Des prix qui n'augmentent que très peu, ou qui baissent, voilà de quoi faire plaisir aux consommateurs. Les retraités ne se plaindront pas non plus, parce que leur pouvoir d'achat se maintient en l'absence d'inflation.

Mais l'absence d'inflation est dangereuse pour l'économie, explique Benoit P. Durocher, économiste principal chez Desjardins.

«Le danger, c'est que l'inflation tombe au-dessous de zéro. Comme les prix baissent, les consommateurs reportent leurs achats à plus tard dans l'espoir d'obtenir de meilleurs prix.»

La spirale qui s'enclenche alors paralyse la croissance économique. C'est ce que le Japon a vécu, et le pays peine encore à redémarrer après 20 ans de stagnation économique. Ce que la Banque du Canada veut absolument éviter.

La lutte contre l'inflation - et contre l'absence d'inflation - est une constante dans la politique monétaire canadienne. Dans les années 80, un taux d'inflation supérieur à 10% a donné lieu à une lutte sans merci, à coups de hausses de taux d'intérêt, ce qui a fini par provoquer des récessions.

Un taux élevé d'inflation appauvrit les consommateurs, dont les salaires ne suivent pas la hausse généralisée des prix, et décourage l'épargne. «L'idéal, c'est un niveau d'inflation modéré et, surtout, le plus stable possible», souligne l'économiste de Desjardins.

Le Québec vulnérable

C'est à la suite des douloureux épisodes d'inflation élevée que la Banque du Canada s'est donné l'objectif de contenir l'inflation entre 1 et 3%, avec un succès certain jusqu'à récemment.

L'augmentation de la concurrence dans le commerce de détail et la perte de compétitivité des usines canadiennes avec un dollar à parité avec la devise américaine viennent changer la donne, explique Clément Gignac, vice-président principal et économiste en chef de l'Industrielle Alliance.

L'arrivée des super détaillants américains dans l'alimentation, par exemple, se traduit par des guerres de prix et une baisse de la marge bénéficiaire des détaillants. C'est ce qui arrive notamment à Metro, Loblaw et les autres. Les détaillants doivent réduire leurs coûts pour maintenir leur rentabilité. S'ils ne peuvent plus faire de coupes nulle part, ils doivent augmenter leurs parts de marché, notamment par des acquisitions, pour pouvoir continuer à croître.

«C'est bon pour le consommateur, mais ça devient un risque important pour les gouvernements très endettés, comme c'est le cas au Québec», souligne Clément Gignac.

Comme les détaillants, le ministre des Finances du Québec voit en effet ses recettes fiscales diminuer parce que les taxes à la consommation, calculées sur les prix, rapportent moins.

Le Québec est, après la Colombie-Britannique, la province qui a le taux d'inflation le plus bas du Canada. C'est dangereux, estime l'économiste de l'Industrielle Alliance.

Le problème, selon lui, c'est que les banques centrales ne sont pas outillées pour combattre la déflation. «Pour lutter contre la hausse de l'inflation, on augmente les taux d'intérêt [au risque de provoquer une récession]. Pour combattre la déflation, il faudrait baisser les taux, mais comme ils sont déjà presque à zéro, ça ne donnerait pas grand-chose. Il ne reste quasiment plus rien d'autre que faire brûler des lampions...»