La rencontre entre les ministres des Finances du pays s'est terminée avec fracas lundi, les provinces accusant Ottawa d'agir unilatéralement et de faire de l'obstruction pour empêcher une réforme des régimes de retraite.

Le bal des insatisfaits a été mené par le ministre ontarien Charles Sousa, qui a signalé que toutes les provinces étaient arrivées au consensus qu'il fallait continuer à aller de l'avant vers une bonification du Régime de pensions du Canada (RPC) et du Régime des rentes du Québec (RRQ). Un seul acteur a rompu l'harmonie: le ministre fédéral Jim Flaherty.

«En fait, je suis très déçu (que le fédéral) utilise des tactiques pour retarder le jeu, pour s'assurer que l'amélioration ne soit pas même considérée à ce point-ci. Nous avons besoin de leadership, de vision, et de s'assurer que tous les Canadiens à travers le Canada soient protégés», a déploré M. Sousa. Il a ajouté que l'Ontario fera cavalier seul et évaluera différentes options afin de bonifier en solo le régime de ses résidants.

Se succédant au micro à l'issue de leur rencontre au Lac Meech, ses collègues des autres provinces ont confirmé les propos de M. Sousa et dénoncé la façon de faire unilatérale d'Ottawa.

«Une très forte majorité de provinces sont favorables purement et simplement à une bonification. Toutes les provinces étaient favorables à des travaux supplémentaires», a noté le ministre québécois Nicolas Marceau.

«De refuser comme cela les volontés de chacune des provinces, je pense que ça montre qu'on a une fédération qui a des problèmes», a-t-il ajouté.

M. Marceau a réitéré la position du Québec, à savoir qu'une bonification était souhaitable, mais au moment où tous les astres seront alignés sur le plan économique.

Contrairement à l'Ontario, Québec n'envisage pas agir en solo dans ce dossier, puisque les taxes sur les masses salariales y sont déjà plus élevées qu'ailleurs au pays, a-t-il signalé.

Flaherty imperturbable

M. Flaherty n'a pas paru ébranlé par l'unanimité de ses homologues provinciaux et il a réitéré, comme il l'avait dit à son arrivée en matinée, que le moment était mal choisi pour hausser les contributions des employeurs et des travailleurs, compte tenu de l'état de l'économie.

«Ce n'est pas le moment pour des augmentations des prestations du RPC», a tranché le ministre d'État aux Finances, Kevin Sorenson, prenant la parole plus souvent que M. Flaherty, dont l'état de santé rend la voix faible et rauque.

«Les familles et l'économie ne peuvent tout simplement pas se permettre une hausse des taxes sur les chèques de paie, qui retirerait de l'argent des poches des employés, et forcerait les employeurs à supprimer des emplois, diminuer les quarts de travail et baisser les salaires», a soutenu M. Sorenson.

M. Flaherty a pris la parole pour affirmer qu'il lui est impossible de prédire quand le bon moment pour ces changements viendra. «Faire ce genre de prédictions est un jeu absurde», a insisté le ministre. Il s'est également dit mal à l'aise de lier les mains des futurs gouvernements, alors que les acteurs de part et d'autre de la table pourraient être forts différents lorsque d'éventuels changements au régime auraient à être mis en oeuvre.

Parmi les propositions qui étaient sur la table, certains suggéraient notamment de multiplier par deux les prestations annuelles maximales du régime, actuellement de 12 150 $ - ce qui signifiait aussi de doubler les cotisations des travailleurs et des employeurs, réparties à parts égales. L'objectif est de venir en aide aux travailleurs de la classe moyenne, qui ne parviennent pas à épargner d'eux-mêmes pour leurs vieux jours. Mais M. Flaherty refuse une approche qui imposerait à tous une seule et même solution.

«Ça ne sert à rien d'utiliser un bazooka et de répandre de l'argent dans toutes les directions. Il nous faut des solutions ciblées, pour ne pas gaspiller l'argent des contribuables», a soutenu M. Flaherty.

Le Nouveau Parti démocratique (NPD) a vertement critiqué M. Flaherty pour sa prise de position, rappelant une étude de la CIBC qui suggère que près du tiers des Canadiens n'auront pas mis de côté suffisamment d'argent pour leur retraite.

La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI) a quant à elle accueilli avec soulagement le fait que les discussions soient désormais au point mort, puisqu'elle craignait que les entreprises soient étranglées avec des hausses de cotisations.