L'annonce de la conclusion d'un accord de libre-échange avec l'Union européenne (UE) a été partiellement éclipsée par le scandale des dépenses au Sénat, mais Stephen Harper est revenu à la charge, vendredi, en chantant les louanges de l'entente.

Le premier ministre a choisi de prononcer son premier discours sur le sujet en territoire hasardeux, c'est-à-dire à Montréal, où les sondages ne cessent de démontrer que la cote de popularité des conservateurs est abyssale.

Un comité d'accueil composé de quelques dizaines de manifestants - qui ont défilé pacifiquement autour du Palais des congrès - avait d'ailleurs été mis sur pied pour souligner son passage.

Mais à l'intérieur, Stephen Harper était en territoire conquis.

Devant un parterre de gens d'affaires et de dignitaires, parmi lesquels se trouvaient notamment l'ancien premier ministre Brian Mulroney, le maire de Montréal, Denis Coderre, et le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, Alexandre Cloutier, M. Harper a vanté les mérites de l'accord.

Le choix de Montréal pour cette allocution n'était pas fortuit, a reconnu Stephen Harper, qui a salué la contribution du gouvernement québécois et de la métropole.

«Dans les premières ententes de libre-échange avec les États-Unis et l'Amérique du Nord, tout comme dans les récentes négociations avec l'Europe, le Québec et les Québécois, et en particulier Montréal (...) ont joué un rôle crucial», a lancé le premier ministre.

Il a également tenu à souligner l'apport de l'ex-premier ministre Jean Charest, ardent défenseur du traité, qui l'a «agressivement» appuyé «dès le début».

L'accord économique et commercial global (AECG) conclu avec l'UE permettra au Canada d'avoir accès à un marché de 500 millions d'habitants dont le produit intérieur brut (PIB) atteint 17 000 milliards $, selon les données d'Ottawa.

Il s'inscrit dans la lignée d'une autre importante entente commerciale, l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), conclu sous le leadership du gouvernement conservateur de Brian Mulroney.

Si l'ALENA représentait «la première grande étape vers la mondialisation économique dans la période de la fin de la Guerre froide», l'accord Canada-UE constitue le «plus important» jamais conclu dans l'histoire du Canada, a suggéré le premier ministre Harper dans son discours.

Croisé dans les couloirs du Palais des congrès à l'issue de l'événement, M. Mulroney a dit ne pas avoir été vexé par la comparaison.

«Le libre-échange date maintenant de 25 ans, alors il a fallu faire autre chose. Il (Stephen Harper) a bien agi. C'est une réalisation très importante», a lancé celui qui a dirigé le Canada entre 1984 et 1993, avant de plaider - brièvement, mais sur un ton assuré - que l'ALENA avait eu d'importantes retombées économiques.

Et au chapitre des comparaisons, il faut rappeler que contrairement à l'ALENA, l'entente de principe bilatérale avec l'UE a été plutôt bien reçue, tant par l'opposition libérale fédérale que par le gouvernement du Québec et la Ville de Montréal.

«On se souvient très bien que l'entente avec les États-Unis avait été vivement critiquée. Elle avait donné lieu à la démagogie la plus exagérée possible», a déploré M. Harper.

Le ministre Cloutier a déjà déclaré que Québec avait un préjugé favorable face à l'AECG. Il a cependant spécifié vendredi qu'il était hors de question de donner «un accord final avant de voir cette entente».

Il s'est néanmoins réjoui du fait que le ministre fédéral de l'Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec, Denis Lebel, ait mentionné dans son discours qu'il gardait en tête les préoccupations du milieu agroalimentaire de la province.

«Je sais qu'il y a des inquiétudes au Québec (...) par rapport aux producteurs de lait, aux producteurs fromagers. On a déjà annoncé que nous aurons des mesures compensatoires», a déclaré M. Lebel, qui a ensuite affirmé que la campagne de promotion de l'accord n'avait pas été mise sur pied pour relancer un gouvernement conservateur en panne.

Le maire Coderre a fait écho aux propos d'Alexandre Cloutier, plaidant que tous les ordres de gouvernement devaient «rester vigilants pour protéger la gestion de l'offre» étant donné l'importance du secteur agroalimentaire dans l'économie du Québec.

L'activité avec le premier ministre Stephen Harper avait été organisée par la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM).

Le président et chef de la direction de l'organisation, Michel Leblanc, a profité de l'occasion pour formuler deux suggestions à l'intention du gouvernement Harper.

Il a invité le premier ministre à revenir sur deux projets qui sont dans les cartons, soit l'abolition du crédit d'impôt sur les fonds de travailleurs contenue dans le dernier budget de Jim Flaherty, et la création possible d'une commission fédérale des valeurs mobilières.

«C'est, pour nous, d'une importance capitale que d'avoir l'expertise de l'Autorité des marchés financiers (AMF) à Montréal», a fait valoir M. Leblanc.

L'entente de principe n'a pas encore été ratifiée par le Canada et les 28 pays membres de l'UE.

Avant d'être soumise aux juristes et aux législateurs, il doit être traduit dans les 24 langues parlées au sein de l'UE, a rappelé vendredi le premier ministre Harper.