Après quatre ans de négociations souvent ardues, c'est fait: le Canada et l'Union européenne (UE) ont conclu une entente de principe qui prévoit abolir presque toutes leurs barrières tarifaires, dès son entrée en vigueur, vraisemblablement en 2015.

Cet accord de libre-échange est susceptible d'entraîner une hausse de 23% des échanges économiques réciproques. Le Canada y gagnera un accès privilégié à un marché de 500 millions de personnes.

Lorsque le traité sera pleinement en vigueur, les producteurs européens profiteront d'une exonération d'environ 700 millions de tarifs douaniers annuels sur leurs exportations vers le Canada. Les gains seront du même ordre, entre 650 et 700 millions, chez les exportateurs canadiens.

«C'est l'entente la plus importante jamais conclue par notre pays, c'est un gain historique pour le Canada», s'est félicité le premier ministre Stephen Harper, après la signature du document. Il a souligné que l'Accord économique et commercial global (AEGC) est plus vaste et plus ambitieux que l'ALENA, entente économique avec les États-Unis et le Mexique.

«Cet accord ouvre une nouvelle ère dans les relations entre le Canada et l'Union européenne», a renchéri l'autre signataire, le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso.

Les négociateurs des deux parties en ont encore pour quelques semaines à peaufiner des clauses techniques de l'entente. Mais tous les points litigieux ont été réglés, a-t-on assuré hier. Y compris les deux questions les plus controversées: les exportations de viande canadienne vers l'Europe, et celles de fromage européen vers le Canada.

Boeuf contre fromage

L'accord prévoit que les éleveurs canadiens pourront écouler chaque année 50 000 tonnes de viande de boeuf et 80 000 tonnes de viande de porc sur le marché européen. En contrepartie, les producteurs européens pourront vendre 30 000 tonnes de fromages au Canada.

Ce chapitre du traité provoque des vagues de part et d'autre de l'Atlantique.

L'Association européenne des agriculteurs, qui représente autant les producteurs bovins que le secteur laitier, estime que la balance penche sérieusement en faveur du Canada. Selon son directeur des produits et marchés, Arnaud Petit, les gains réalisés par les éleveurs canadiens seront de deux à trois fois supérieurs aux avantages consentis aux producteurs de fromages européens.

L'Association européenne des agriculteurs reconnaît néanmoins que le Canada a fait deux concessions importantes dans le secteur agricole, en acceptant de respecter plus de 140 appellations contrôlées, et en ajustant ses conditions d'élevage aux normes européennes.

Concrètement, cela signifie que la viande canadienne vendue en Europe sera exempte d'hormones de croissance. En revanche, le Canada maintient intégralement son système de gestion de l'offre - autrement dit, ses quotas de production.

Compensations

Les producteurs laitiers canadiens craignent néanmoins de voir leurs revenus baisser, devant la concurrence. Stephen Harper a reconnu, hier, que leurs craintes sont légitimes, mais a estimé que leurs pertes de revenus seraient «marginales et temporaires». Et il a promis que, le cas échéant, ils recevraient des compensations.

Un autre secteur où Ottawa pourrait intervenir pour contrecarrer les retombées négatives de l'accord est celui des médicaments. Le traité prévoit que le Canada prolongera de deux ans la durée des brevets pharmaceutiques - ce qui retardera d'autant la mise en marché de médicaments génériques. Le gouvernement indemnisera les provinces pour les coûts supplémentaires que cela risque d'entraîner, a assuré Stephen Harper.

L'accord de libre-échange prévoit aussi faciliter les séjours professionnels de part et d'autre de l'Atlantique, dans la mesure où les ordres professionnels s'entendront sur des critères de compétence réciproques. Les premiers à bénéficier de ces assouplissements pourraient être les architectes.

Les frontières limitant l'accès aux appels d'offres publics s'effaceraient elles aussi, une fois que le traité de libre-échange sera entériné. Ainsi, des entreprises européennes pourraient proposer leurs services aux municipalités canadiennes pour des contrats dans le domaine des infrastructures ou des transports publics. Un avantage auquel n'ont pas accès les entreprises américaines.

L'accord de principe doit encore recevoir le feu vert chez les deux partenaires. Au Canada, il doit être approuvé par les gouvernements provinciaux et par la Chambre des communes. Le processus sera infiniment plus complexe en Europe, puisque le traité devra être traduit dans les 24 langues officielles de l'UE, avant d'être soumis à chacun des 28 gouvernements, puis d'être renvoyé pour ratification à Bruxelles.