La grogne du Mexique envers Ottawa ne s'apaise pas. Le sujet des visas imposés à ses ressortissants est devenu si délicat qu'il risque d'éclipser tous les autres dossiers à l'occasion de la visite du président Enrique Pena Nieto, prévue l'an prochain au Canada.

«Si ce problème n'est pas résolu, il [le premier ministre Stephen Harper] aura très mauvaise presse», a averti hier le nouvel ambassadeur du Mexique à Ottawa, Francisco Suarez Davila, en marge d'une conférence prononcée à Montréal.

«Tout le monde sera fixé sur ça et pas sur les grands aspects de la relation, a ajouté M. Davila. Le sujet sera le visa, pas le commerce, pas l'investissement. Le sens commun, c'est que ce sujet doit être réglé.»

Ottawa impose depuis quatre ans des visas à tous les voyageurs mexicains qui souhaitent entrer au Canada. Cette décision visait à endiguer le flot de demandes d'asile, qui ont triplé entre 2005 et 2009.

Selon le nouvel ambassadeur, entré en poste il y a trois mois, le «coeur du problème» est disparu. Or, le Canada maintient sa position et demande toujours des renseignements «complètement ridicules» aux Mexicains avant de leur accorder un permis de séjour.

«Nous avons le traitement pour obtenir un visa le plus difficile et le plus complexe de tous les pays, a-t-il déploré. En Europe, nous y allons sans visa, aux États-Unis, ils ont flexibilisé beaucoup le visa pour les Mexicains, et on peut obtenir un visa de Chine très facilement...»

Francisco Suarez Davila espère la mise en place d'une «feuille de route» qui permettra de régler rapidement ce point litigieux. Au cabinet du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, on souligne que «le Canada continue d'évaluer toutes les options pour l'avenir».

Kevin Menard, porte-parole au cabinet, souligne que l'imposition d'un visa a produit les effets attendus par Ottawa. «Les demandes d'asile sont passées de 10 000 par année à un nombre négligeable [environ 36 en date de juillet de cette année] en ce moment.»

Une relation florissante

Malgré ce «grand point litigieux politique et social», l'ambassadeur du Mexique a longuement vanté hier la relation commerciale de plus en plus florissante qui unit le Canada et le Mexique.

La visite prochaine du président Pena vise justement à souligner les 20 ans de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), qui a fait exploser les échanges entre les deux pays. Ils sont passés d'environ 6 milliards CAN à 31 milliards depuis la signature de ce traité.

Francisco Suarez Davila a par ailleurs souligné l'importance de la relation entre le Québec et son pays, devant un parterre de gens d'affaires. Il a cité à plusieurs reprises le succès de la récente visite de la première ministre Pauline Marois, qui s'est rendue au Mexique avec une délégation d'une cinquantaine d'entreprises.

Bombardier, notamment, est devenu un investisseur de taille dans la ville de Querétaro. «Il a été à la base de ce qui est aujourd'hui un véritable pôle de développement économique et technologique aérospatial», a-t-il souligné.

Boom d'infrastructures

Le Mexique prévoit retrouver un taux de croissance annuel de 4 à 6%, ce qui lui permettra de devenir à terme la septième économie mondiale.

Le président Pena a lancé une série de réformes pour accélérer la croissance, dont un vaste programme d'infrastructures qui inclura trois nouvelles lignes de chemin de fer, le prolongement de deux métros et la construction d'aéroports.

Le «tigre mexicain» espère attirer des investisseurs canadiens pour prendre part à ces projets, ainsi qu'à son industrie pétrogazière en plein essor.