Le huard a pris du plomb dans l'aile, ces dernières semaines, après quelques mois de vol plané avec le dollar américain. On peut maintenant se demander si le contexte demeurera favorable à la devise canadienne ou si le repli est le début d'une tendance baissière.

Le huard, qui oscille autour de 100 cents US depuis le début de la décennie, a perdu un vingt-cinquième de sa valeur par rapport au billet vert américain depuis février. Il cotait à 96,19 cents US à la clôture du marché des changes, hier, en remontée après avoir touché un creux en près de 3 ans au début du mois, à 94,50 cents US.

La monnaie canadienne pâlit en fait devant l'éclat retrouvé de la monnaie de réserve mondiale. «Comme d'autres, le dollar canadien a été pris de court par la montée du dollar US en mai, mais il s'est bien mieux tenu que d'autres monnaies tributaires des matières premières», note Stéfane Marion, économiste en chef et stratège à la Banque Nationale.

Alors que l'on appréhendait son effondrement imminent, le dollar US a poursuivi en effet sur sa lancée et a atteint, en mai, un sommet inégalé depuis deux ans. Et ce, «même si la Fed a continué de faire tourner la planche à billets, ce qui aurait en principe dû la plomber», rappelle Hendrix Vachon, économiste supérieur au Mouvement Desjardins.

C'est que les autres banques centrales, notamment la Banque d'Angleterre et la Banque du Japon, ont été plus permissives encore que la Fed. Pendant ce temps, les banques centrales de la Chine, de l'Inde, de la Corée et de l'Australie portaient leur taux directeur au plus bas en plusieurs années. Même la Banque centrale européenne s'est mise de la partie, baissant son principal taux d'intérêt à un plancher historique en mai tout en se montrant prête à faire plus au niveau de son bilan.

La division Marchés financiers de la Banque Nationale prévoit que le dollar américain devrait poursuivre sur sa lancée encore quelque temps avec l'amélioration de l'économie des États-Unis au deuxième semestre. Le dollar canadien retrouvera toutefois la parité au troisième trimestre de l'année prochaine, alors que se feront sentir les effets du retrait attendu du programme de détente quantitative de la Réserve fédérale américaine.

L'équipe de la Nationale s'est classée au premier rang des banques canadiennes et au troisième rang mondial pour les prévisions relatives à la fluctuation du dollar canadien par rapport au dollar américain pour la période de mars 2012 à mars 2013, selon Bloomberg.

L'économiste émérite de Desjardins prévoit lui aussi une appréciation du huard d'ici 2015, jusqu'à l'équivalence avec le billet vert, à la faveur de l'amélioration de l'économie mondiale qui devrait soutenir la demande pour les matières premières. Par contre, ce serait plus difficile par la suite avec le resserrement monétaire aux États-Unis, que ce soit par le retrait des liquidités injectées ou une hausse des taux d'intérêt directeurs. La valeur du huard pourrait alors converger vers les 90 cents US, ce qui concorde davantage avec son réel pouvoir d'achat, affirme Hendrix Vachon.