SNC-Lavalin et les autres firmes qui ont pris part à des manoeuvres de collusion et de corruption devraient rembourser le Trésor public, soutient le financier Stephen Jarislowsky.

«Je pense que tout le monde qui a fait des profits au-delà de la normale devrait les remettre avec pénalités», a déclaré M. Jarislowsky hier au cours d'un entretien avec La Presse Affaires.

Par «profits au-delà de la normale», il entend les gains que les entreprises ont touchés en recourant à de la collusion. Selon lui, les fonctionnaires et les politiciens corrompus devraient aussi être forcés de rembourser les pots-de-vin qu'ils ont obtenus.

Devant la commission Charbonneau, la Ville de Montréal a évalué à au moins 6,7 millions de dollars la somme additionnelle qu'a reçue SNC-Lavalin grâce à la collusion en place de 2004 à 2008. Depuis la mise au jour de ce système de partage des contrats, en 2009, les prix des services de génie-conseil ont baissé de 20 à 25% dans la métropole.

Des stratagèmes semblables existaient dans d'autres municipalités québécoises. Calculer avec précision les sommes versées en trop s'annonce donc une lourde tâche.

La Coalition avenir Québec presse le gouvernement de tout mettre en oeuvre, notamment des poursuites, pour récupérer les sommes encaissées illégalement par les firmes d'ingénierie et les entreprises de construction.

Leslie Quinton, porte-parole de SNC-Lavalin, n'a pas voulu dire hier si l'entreprise était prête à rembourser l'État. L'Association des ingénieurs-conseils du Québec s'oppose à toute obligation en ce sens.

Loi 1

Stephen Jarislowsky prie par ailleurs l'Autorité des marchés financiers de ne pas empêcher SNC-Lavalin de décrocher des contrats publics en vertu de la loi 1.

«On a chez SNC une administration différente de celle qui était là auparavant, a-t-il dit. On a mis les gens qui étaient malhonnêtes à la porte, du moins je l'espère. SNC, c'est une bonne entreprise. Ce serait de la folie de faire déménager son siège social. Combien de sièges sociaux d'entreprises importantes sont encore situés au Québec? Quasiment aucun.»

Dans une entrevue publiée hier dans Le Devoir, le président du Conseil du Trésor, Stéphane Bédard, a indiqué que Québec allait tenir compte de l'impact économique qu'aurait la mise à l'écart de firmes comme SNC-Lavalin, mais que le rétablissement de la confiance du public allait «toujours primer».

SNC est notamment sur les rangs pour le contrat de reconstruction de l'échangeur Turcot.

M. Jarislowsky, qui a longtemps siégé au conseil d'administration de SNC-Lavalin, a confié hier avoir reçu à dîner chez lui le nouveau PDG de l'entreprise, l'Américain Robert Card, qui est en poste depuis octobre.

«M. Card est un bon bonhomme, a-t-il jugé. Pour l'instant, j'ai confiance en lui. Il n'a pas encore gagné toutes ses épaulettes, mais on me dit qu'il fait du bon travail, et je le crois.»

L'homme de 87 ans émet toutefois des réserves à l'égard du conseil. À ses yeux, certains administrateurs ne possèdent pas toutes les compétences requises pour superviser une firme d'ingénierie.

Jarislowsky Fraser est le plus important actionnaire de SNC-Lavalin avec une participation de 9,9%. Stephen Jarislowsky s'est retiré l'an dernier de la gestion de la firme qu'il a fondée en 1955, mais demeure personnellement un actionnaire de SNC.

«Pour le moment, je garde mes actions, mais ça peut changer», a conclu le vénérable investisseur.