Le choix de Stephen Poloz à la tête de la Banque du Canada soulève des questions à propos de la direction de la politique monétaire, et même du rôle de la Banque centrale dans l'univers de Stephen Harper.

La réaction immédiate de l'annonce de la nomination de l'homme de 57 ans, dirigeant actuel d'Exportation et développement Canada, a oscillé entre la confusion et l'incrédulité à propos du message qu'envoyait le gouvernement.

Avec peu d'informations à se mettre sous la dent, les marchés ont fait quelque peu reculer le dollar canadien et les observateurs se sont interrogés, majoritairement en privé, à savoir si le ministre des Finances Jim Flaherty et le premier ministre Stephen Harper n'avaient pas simplement choisi quelqu'un qui répondrait à leurs volontés.

Selon Walid Hejadi, un professeur en affaires à l'échelle internationale à la Rotman School of Management de Toronto, l'association de M. Poloz avec l'ordre du jour d'Ottawa en matière de commerce international pourrait laisser la banque vulnérable à la perception d'une politisation.

Un autre professeur, Ian Lee, a toutefois rétorqué que M. Poloz avait une réputation de rectitude morale. M. Lee estime également qu'il est absurde de vouloir être entièrement indépendant du gouvernement au pouvoir, puisque le gouverneur est nommé par le gouvernement en place et ne peut mettre en place des politiques qui contredisent ledit gouvernement.

L'économiste en chef de la Banque de Montréal, Doug Porter, a lui aussi écarté la notion de politisation, soutenant que le choix de M. Poloz, plutôt que le principal gouverneur adjoint Tiff Macklem, n'était sans doute pas lié à la politique.

M. Poloz entrera en poste avec un bagage non négligeable : de l'expérience dans les secteurs public et privé, un passage à la direction d'une importante organisation, un solide passé académique et plus de 14 ans d'ancienneté à la Banque du Canada dans plusieurs rôles d'importance, y compris celui de chef de la division de la recherche.

L'une des principales raisons de la surprise provoquée par sa nomination est le fait que M. Poloz est particulièrement discret. Son dernier discours en public remonte à plus d'un an.

Dès l'annonce de sa sélection, des analystes ont fouillé les archives pour retrouver ses précédentes déclarations, histoire d'avoir un petit aperçu des positions qu'il pourrait adopter. En 2005, il a entre autres écrit que le Canada pourrait effectivement souffrir du «syndrome hollandais», un état économique où l'exploitation massive des ressources naturelles a fait gonfler le cours de la monnaie nationale, provoquant des problèmes pour les autres secteurs de l'économie.

«Des symptômes du syndrome hollandais commencent à apparaître, alors que les marges de profits augmentent dans le secteur de l'énergie et des contractions dans plusieurs sous-secteurs manufacturiers», a-t-il écrit.