Postes Canada serait confrontée à des pertes d'exploitation annuelles d'un milliard de dollars d'ici 2020, annonce un nouveau rapport du Conference Board du Canada, qui calcule que la plus grande économie pour la société serait réalisée si elle cesse la livraison du courrier à la maison dans les grandes villes.

Les coupes sont redoutées depuis un bon moment à Postes Canada. Et le rapport du Conference Board laisse entrevoir où le couperet pourrait tomber.

La société d'État dit avoir retenu, à l'automne 2012, les services du Conference Board afin de réaliser une évaluation indépendante de l'avenir du service postal et d'examiner les solutions possibles pour le futur.

Postes Canada prévient qu'elle devra apporter «des changements fondamentaux» afin de ne pas devenir un fardeau pour les contribuables.

Dans son rapport publié mardi, le Conference Board affirme avoir évalué plusieurs options pour que la société reste viable financièrement, notamment livrer le courrier seulement un jour sur deux ou réduire le salaire des employés.

L'arrêt de la livraison à domicile en zone urbaine - au profit des boîtes postales communautaires - est l'option dont les répercussions financières seraient les plus importantes, représentant des économies d'environ 576 millions $ par année, a calculé l'organisme.

Les autres options envisagées incluent le remplacement de bureaux de poste de la société par des comptoirs postaux concessionnaires et la réduction de la vitesse de livraison.

Mais la privatisation du service postal ne faisait pas partie des options évaluées par l'organisme. Cela relève du politique, donc du gouvernement fédéral, souligne Anick Losier, la directrice des communications de Postes Canada, qui ajoute que le rôle de l'entreprise est plutôt de rentabiliser ses activités.

L'étude souligne que la technologie a eu de lourdes conséquences sur la façon dont les Canadiens utilisent les services postaux: ceux-ci utilisent de plus en plus le courriel, en délaissant les lettres. De 2006 à 2012, les Canadiens ont envoyé un milliard de moins de lettres, a indiqué Mme Losier, en entrevue avec La Presse Canadienne.

Bref, cette diminution du volume du courrier - son service principal - va entraîner des pertes d'exploitation annuelles pour Postes Canada, note le Conference Board, qui se décrit comme un organisme de recherche indépendant et sans but lucratif.

Sans compter que d'autres façons de faire changent: les entreprises encouragent la facturation électronique, les gouvernements utilisent de plus en plus le dépôt direct, et la publicité se fait sur Internet. Tout cela réduit le nombre de lettres à la poste.

Par contre, une occasion d'affaires supplémentaire pour Postes Canada est liée au cybercommerce, qui stimule la demande de livraison de colis. On pourrait voir une augmentation de 26 pour cent dans ce secteur, peut-on lire dans le rapport.

Cette croissance ne compensera toutefois pas les pertes de revenus découlant des autres secteurs d'activité.

Peu après la publication du rapport, Postes Canada a indiqué qu'elle doit étudier sérieusement toutes les options présentées, mais elle se dit consciente qu'aucune initiative ne permettra à elle seule d'endiguer les pertes entraînées par la forte baisse du volume de courrier.

Mme Losier espère que le rapport sera le début d'une conversation avec les Canadiens. «Ils vont pouvoir nous dire ce qu'ils veulent comme services et ce qu'ils peuvent concéder», précise-t-elle.

Elle ne peut toutefois exclure l'abolition de postes en conséquence des changements qui seront apportés. Mais elle croit possible d'effectuer la transformation en réorganisant le travail avec les départs à la retraite.

«Si on regarde la facture d'ici 2020, elle s'avère assez faramineuse et puis comme contribuables, on ne veut pas assumer une facture aussi importante», dit-elle.

Le président du syndicat des travailleurs et travailleuses des postes croit que le rapport ressemble à une «offensive».

«C'est une étude, mais ça s'inscrit dans la vision de Postes Canada de faire changer le mandat du service postal», a lancé Denis Lemelin, qui remet de plus en question certains chiffres et calculs du rapport.

Pour le Nouveau Parti démocratique (NPD), il est essentiel que Postes Canada demeure un service public.

Robert Aubin, porte-parole adjoint du parti en matière de transport, croit cependant que si le gouvernement souhaite privatiser les services postaux, le rapport du Conference Board lui donne raison. Le rapport confirme de plus qu'il faudra couper, fermer et rationaliser, déplore le député néo-démocrate.

De plus, alors que le rapport se veut être une vision d'avenir, il n'offre aucune piste pour chercher de nouveaux revenus pour l'entreprise, signale M. Aubin.

«Il n'y a aucune mesure d'avenir. Ce qu'on nous propose, c'est la gestion de la décroissance», dit-il.

M. Aubin juge qu'on aurait dû voir dans ce rapport des façons de développer de nouveaux services et produits, notamment en misant sur la demande accrue de la livraison de colis, afin de générer des revenus supplémentaires.