Le premier ministre canadien et ses ministres doivent être plus dynamiques auprès des instances étrangères pour promouvoir les produits de l'industrie aérospatiale canadienne.

«La concurrence envoie ses présidents, ses premiers ministres et ses ministres à l'étranger sur une base régulière, a déclaré le chef de l'Examen de l'aérospatiale, l'ancien ministre conservateur David Emerson, dans une entrevue avec La Presse Affaires jeudi à Ottawa. Nous l'avons fait dans le passé jusqu'à un certain point, mais il faut faire plus.»

En février dernier, le gouvernement de Stephen Harper a chargé M. Emerson de revoir l'ensemble des politiques et des programmes fédéraux qui touchent l'industrie aérospatiale canadienne. Il y avait une exigence: que cet examen ne préconise pas une augmentation de l'aide fédérale totale à l'industrie.

Plusieurs des recommandations du rapport Emerson rendu public hier n'ont donc aucune incidence financière directe, comme celle portant sur ce qu'il qualifie de «diplomatie économique de haut niveau».

M. Emerson a noté que, dans plusieurs pays émergents, l'État jouait un grand rôle dans la décision d'acquérir des avions.

«S'il n'y a pas d'intervention de gouvernement à gouvernement, on risque d'avoir moins de succès», a-t-il affirmé.

En fait, les gouvernements étrangers peuvent même interpréter cette approche passive du Canada comme un manque d'enthousiasme envers les produits nationaux.

«Le Brésil, la France, la Grande-Bretagne, l'Allemagne sont là, a soutenu M. Emerson. Le Canada, pour des raisons presque culturelles, est moins visible. Il faut prendre plus de place, mais sans devenir désagréable.»

Il a toutefois noté que le premier ministre Harper avait peu à peu appris à être plus présent.

L'ancien ministre a insisté sur le fait que les visites gouvernementales à l'étranger ne devaient pas donner lieu à la signature de vagues énoncés d'intention, mais entraîner des retombées concrètes.

«Il doit se faire beaucoup de travail en aval pour que, lorsqu'on sort les gros canons, on ait quelque chose de tangible.»

Le rapport Emerson recommande également au gouvernement d'exiger des engagements plus fermes et plus précis lorsque vient le temps de procéder à de gros projets d'acquisition militaire.

«Plusieurs retombées industrielles ne se sont pas matérialisées, a affirmé M. Emerson. Et lorsqu'elles se sont matérialisées, ça n'a pas toujours été de la façon la plus efficace possible.»

Selon lui, les soumissionnaires devraient présenter un plan détaillé de retombées industrielles et Ottawa devrait en tenir compte dans sa décision.

M. Emerson s'est cependant montré très prudent au sujet de l'acquisition des chasseurs F-35, un projet qui n'est pas soumis à la politique de retombées industrielles régionales. Par contre, les entreprises provenant de pays qui participent financièrement au développement de l'appareil, comme le Canada, peuvent participer à des appels d'offres liés au projet.

«Nos recommandations ne visent pas des projets d'acquisitions particuliers, a déclaré M. Emerson. Mais l'esprit de ces recommandations devrait être suivi autant que possible.»

Le rapport Emerson recommande certaines modifications à l'Initiative stratégique pour l'aérospatiale et la défense (ISAD), principal programme fédéral touchant l'industrie, notamment pour en faire un véritable programme de partage de risques. C'est ainsi que le remboursement des prêts ne devrait pas être lié à la performance financière de l'entreprise, mais au succès de l'innovation qui était visée par ces prêts.

Le rapport a également recommandé de réallouer certains fonds de l'ISAD, soit 20 millions de dollars, à des projets de démonstration de technologie.

L'industrie aérospatiale a très bien accueilli le rapport, mais elle n'a pas voulu commenter le détail des recommandations avant d'en avoir pris connaissance plus profondément.

«M. Emerson a compris les enjeux importants de l'industrie, a déclaré le président et chef de la direction de Pratt&Whitney Canada, John Saabas. C'est une bonne journée pour l'aérospatiale.»

Le ministre fédéral de l'Industrie, Christian Paradis, a indiqué par voie de communiqué qu'il étudierait «attentivement» les recommandations contenues dans le rapport.

Québec: des programmes cités en exemple

L'ancien ministre conservateur David Emerson a tellement aimé ce qu'il a vu au Québec qu'il a recommandé d'étendre certaines de ses initiatives au reste du pays.

Le rapport a noté le succès du Consortium de recherche et d'innovation en aérospatiale au Québec (CRIAQ), qui facilite des projets de recherche impliquant des entreprises et des institutions d'enseignement, et l'Initiative MACH, lancée par Aéro Montréal, qui jumelle des donneurs d'ordres et des fournisseurs afin d'aider ceux-ci à faire leur place dans la chaîne d'approvisionnement.

«Le Québec est le leader canadien en fait de grappe aérospatiale et un des plus grands au monde, a affirmé M. Emerson en entrevue avec La Presse Affaires. Idéalement, on devrait étendre ces initiatives au reste du pays pour aider à positionner toute l'industrie.»

L'industrie aérospatiale canadienne

> 66 000 emplois

> 700 entreprises

> 22 milliards de revenu par année

> 80% de la production est exportée

> Dépenses de 1,6 milliard par année en recherche et développement

Les puissances mondiales selon le revenu

1. États-Unis

2. France

3. Allemagne

4. Royaume-Uni

5. Canada

6. Japon