La gestion de l'offre n'est toujours pas totalement exclue des négociations, même si les négociateurs canadiens résistent aux pressions européennes. Le marché de l'hydro-électricité du Québec demeure l'objet de pourparlers. Et l'accès aux marchés publics des provinces, des municipalités, des écoles et des hôpitaux canadiens a été réglé de manière «hautement satisfaisante» aux yeux de l'Union européenne (UE).

C'est ce que l'on peut constater à la lecture de documents préparés pour l'UE, obtenus par la Coalition Avenir Québec (CAQ) et que La Presse a pu consulter. Ces documents, datés de la fin octobre et du début du mois de novembre, dressent un portrait de l'état des négociations, avant les rencontres tenues hier et jeudi entre le ministre fédéral du Commerce international du Canada, Ed Fast, et son homologue européen Karel de Gucht.

Les deux politiciens souhaitaient profiter de ces rencontres pour abattre les derniers obstacles, dans l'espoir d'en arriver à une entente d'ici à la fin l'année. Ils en sont plutôt ressortis en donnant le mandat à leurs négociateurs de poursuivre leur travail, mené dans le plus grand secret depuis 2009. On hésite maintenant à parler d'échéancier.

Le député caquiste Stéphane Le Bouyonnec, qui a obtenu les documents adressés au Comité de la politique commerciale de l'UE, s'est dit préoccupé par certains des éléments qu'il a y pu constater. Plus particulièrement, une poignée d'enjeux inquiètent le député: la gestion de l'offre, l'ouverture aux marchés publics et le prix des médicaments pharmaceutiques, notamment.

«Les Européens n'ont pas encore lâché la gestion de l'offre, a noté M. Le Bouyonnec. Elle ne devrait plus être sur la table à cette étape-ci.» Les auteurs des documents soulignent la réticence canadienne face à la «pleine libéralisation des produits de la gestion de l'offre».

«L'Union européenne (UE) ne veut pas l'abolir, a reconnu le député caquiste. Mais elle parle de contingent à droits nuls. Par exemple, on pourrait permettre aux Européens d'importer un certain nombre de tonnes de produits laitiers à droit nul. À la CAQ, on veut protéger la gestion de l'offre, car elle a une importance stratégique pour le Québec.»

Sur la question des transports publics urbains, «notre position demeure que le Canada doit fournir un plein accès et en particulier éliminer toute exigence de contenu local», peut-on lire dans la note d'information de l'UE. Ces exigences viseraient par exemple à assurer qu'une part importante des contrats du prolongement du métro de Montréal aillent à des entreprises ou des fournisseurs québécois. M. Le Bouyonnec plaide en faveur du maintien d'un seuil minimal. «Notre industrie locale, avec des joueurs comme Nova Bus et Bombardier, doit y participer.»

Dans le cas d'autres marchés publics, le texte réfère aux MASH, soit les municipalités, agences, écoles et hôpitaux, comme étant un sujet réglé à la satisfaction des Européens, qui souhaitaient y obtenir accès. À cet égard, la CAQ craint qu'un tel accès aux firmes étrangères ne complique l'application du projet de loi 1 de Québec, qui doit garantir l'intégrité des soumissionnaires.

Sur le plan de l'énergie, enfin, dont les société d'État «politiquement sensibles comme Hydro-Québec», peut-on lire, «l'UE est prête à garantir un accès complet et illimité au Canada, à la condition qu'il y ait réciprocité, mais le Canada garde délibérément le secteur de l'énergie pour la fin de match».

En commission parlementaire en mars dernier, le négociateur du Québec dans la délégation canadienne, Pierre-Marc Johnson, indiquait qu'il était normal qu'on garde les sujets les plus sensibles sur table jusqu'à la toute fin des négociations. M. Le Bouyonnec n'en est pas si certain. «On est dans le tout dernier droit. Nous sommes en faveur du libre-échange, bien sûr, mais il y a beaucoup trop de choses qui n'ont pas encore été exclues», s'inquiète le député.