Le Canada doit faire preuve de flexibilité lorsqu'il examine les offres d'acquisitions étrangères, afin d'éviter que le système ne se transforme en algorithme «ouinon», qui pourrait alors être déjoué par des entreprises déterminées à contourner le système, a prévenu un ancien ambassadeur du Canada en Chine.

Howard Balloch, qui est maintenant le président du conseil de la société Canaccord Genuity Asia, explique que si les règles actuelles - qui ont été amplement condamnées pour leur manque de transparence - doivent être améliorées, le gouvernement doit cependant se garder une certaine marge de manoeuvre.

«Je serais surpris de les voir retirer toute flexibilité», a-t-il dit au sujet de l'examen actuel, à Ottawa, de la Loi sur Investissement Canada.

En vertu des règles existantes, les ententes qui impliquent des pays membres de l'Organisation mondiale du commerce et d'une valeur de plus de 330 millions doivent comporter un «avantage net» pour le Canada. La notion d'«avantage net» demeure toutefois nébuleuse.

Et si plusieurs entreprises réclament une définition claire de cette notion, M. Balloch prévient qu'il chercherait à préserver une certaine flexibilité du processus d'approbation pour empêcher les compagnies de concevoir artificiellement des ententes qui seraient approuvées même si elles ne vont pas dans le sens de l'intérêt national.

L'examen de la loi a été lancé au moment où Investissement Canada étudie l'offre d'achat de 15,1 milliards présentée par la China National Offshore Company (CNOOC) pour la société canadienne Nexen. De son côté, la malaisienne Petronas cherche à faire renverser une décision gouvernementale qui bloque son acquisition de Progress Energy Resources.

Un document laisse croire que le Canada envisagerait un système à deux vitesses: une pour les entreprises privées et l'autre pour les sociétés d'État. On s'inquiète notamment de l'influence qu'un gouvernement étranger pourrait avoir sur les activités d'une société d'État.

«Je pense qu'on a tendance à percevoir une société d'État chinoise différemment d'une société d'État française ou norvégienne», croit M. Balloch.

Mais cet ambassadeur en Chine entre 1996 et 2001 a rappelé que CNOOC et Nexen y sont allés de plusieurs engagements pour obtenir le feu vert du gouvernement, notamment en promettant de conserver le siège social à Calgary et de s'inscrire à la Bourse de Toronto.

CNOOC s'est également engagée à confier quelque 8 milliards en actifs au contrôle des gestionnaires canadiens de Nexen, tout comme à s'acquitter des programmes de responsabilité sociale de Nexen au Canada et ailleurs dans le monde.

«D'après ce que j'ai vu, CNOOC et Nexen font ainsi des pieds et des mains pour démontrer que (la transaction) est dans l'intérêt national», a dit M. Balloch.

Plusieurs se sont inquiétés de l'acquisition de Nexen par CNOOC. Le premier ministre Stephen Harper a notamment déclaré que «la transaction soulève de nombreuses questions difficiles en matière de réglementation». Lors d'une conférence de presse au Sénégal plus tôt ce mois-ci, il a ajouté que la sécurité nationale entre en ligne de compte dans la relation entre le Canada et la Chine.

Dans son rapport annuel publié plus tôt cette année, le Service canadien du renseignement de sécurité s'est lui aussi préoccupé des investissements réalisés par des sociétés d'État étrangères. Sans identifier de pays spécifiques, le SCRS a prévenu que certaines sociétés d'État ont adopté ce qu'il a appelé «un ordre du jour opaque», ou reçu l'aide clandestine d'agences de renseignement pour leurs activités au Canada.

La directrice exécutive du Conseil commercial Canada Chine, Sarah Kutulakos, estime qu'une incompréhension généralisée des Canadiens à l'endroit de la Chine contribue au malaise suscité par la transaction. «On ne comprend pas grand-chose à la Chine actuellement, mais les sondages démontrent que ceux qui s'inquiètent de la Chine comprennent aussi que c'est en Chine qu'on retrouve les meilleures occasions économiques», a-t-elle dit.

Mme Kutulakos rappelle qu'on aura besoin de milliards de dollars au cours des prochaines décennies pour exploiter les sables bitumineux, et que cet argent devra être fourni par quelqu'un.

«L'argent ne peut provenir d'une multitude de sources, et je pense qu'on met en péril la réputation du Canada comme pays ouvert aux investissements étrangers», a-t-elle dit au sujet de l'examen de l'offre de CNOOC.