«M. Cope, ce n'est pas une séance de négociation...»

Le nouveau président du CRTC, Jean-Pierre Blais, a vite annoncé ses couleurs. Et pour cause: la première audience publique de son mandat, qui porte sur l'achat d'Astral par Bell, est l'une des plus importantes de l'histoire de l'organisme réglementaire.

«M. le président, c'est bien que vous puissiez commencer votre mandat avec une cause aussi peu médiatisée», a ironisé George Cope, président et chef de la direction de Bell, lors des audiences publiques la semaine dernière à Montréal.

Soit, le mandat du nouveau président du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) commence de façon plutôt abrupte.

Mais peu de présidents du CRTC ont été aussi prêts à assumer leurs fonctions que Jean-Pierre Blais, avocat en chef du CRTC au début des années 2000, spécialiste du droit d'auteur, négociateur de conventions à l'UNESCO et ancien avocat en droit du divertissement chez Fasken Martineau à Montréal à la fin des années 80.

Parfaitement bilingue, Jean-Pierre Blais est né à Shawinigan et a passé une partie de son enfance à Montréal avant de déménager à Toronto à l'âge de 9 ans, en 1969.

«Ce n'était pas facile d'être francophone à Toronto durant la crise d'octobre, dit-il. Au début, on avait une heure de télé en français par semaine à la CBC. J'ai appris ce que c'était d'être francophone en situation minoritaire.»

De retour à Montréal à 16 ans, il fera ensuite son droit à McGill et se développera une pratique en droit du divertissement chez Martineau Walker (aujourd'hui Fasken Martineau) sous la gouverne de l'ex-ministre fédéral des Communications Francis Fox.

Haut fonctionnaire à 38 ans

Après six ans à exécuter des mandats pour des clients comme TVA, Cinar (avant les scandales) et TQS, il quitte la pratique privée. «Ça devenait de moins en moins une profession libérale et de plus en plus une entreprise», dit-il.

Après une maîtrise sur le droit d'auteur en Australie, il devient un peu par hasard avocat au CRTC en 1994. À Gatineau (les bureaux du CRTC sont situés du côté québécois de la rivière des Outaouais), ce grand travailleur montera vite les échelons, devenant à 38 ans haut fonctionnaire au CRTC où il servira sous cinq présidents - dont l'actuelle présidente du conseil d'administration de Québecor, Françoise Bertrand.

«Certains avocats sont bons pour trouver les problèmes, mais lui trouve des solutions, dit-elle. Il travaille fort, de façon très cartésienne. Il dit ce qu'il a à dire, mais avec diplomatie.»

Passé sous-ministre adjoint chez Patrimoine Canada en 2002, Jean-Pierre Blais impressionne vite sa nouvelle patronne, la ministre Liza Frulla. «C'est un gars très méticuleux qui arrivait toujours avec des présentations claires et précises», dit-elle. Parmi ses premiers mandats à Patrimoine Canada?

Négocier la convention de l'UNESCO sur le Code mondial antidopage, un beau dossier pour cet ancien nageur et détenteur de plusieurs records ontariens chez les 13-14 ans.

«Si tous nos fonctionnaires étaient aussi bons que lui, nous serions vraiment choyés», se rappelle Richard Pound, l'avocat montréalais à la tête de l'Agence mondiale antidopage à l'époque.

Passionné du petit écran

À Patrimoine Canada, Jean-Pierre Blais touche à des dossiers aussi vastes et variés que la réforme du droit d'auteur, la candidature olympique de Vancouver, le Fonds des médias du Canada et l'entrée du Québec à l'UNESCO.

Il venait d'être affecté au Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, l'organisme chargé de coordonner les coupes budgétaires dans la fonction publique fédérale, quand il a accepté de devenir président du CRTC en juin dernier, six mois après le départ de Konrad von Finckenstein.

Son mandat commence par un dilemme colossal: donner naissance ou non au géant Bell-Astral, une décision qu'il prendra avec quatre autres conseillers du CRTC. Sur l'ensemble de son mandat, Jean-Pierre Blais, 52 ans, veut mettre les Canadiens au centre du mandat des préoccupations du CRTC, que ce soit comme créateurs, consommateurs ou citoyens.

«Il va avoir une vision pragmatique et plus globale que celle de ses prédécesseurs parce qu'il vient du milieu culturel (à Patrimoine Canada) et qu'il a touché beaucoup au droit d'auteur», dit Liza Frulla. «Il sait que l'intérêt public se conjugue au pluriel», ajoute Françoise Bertrand.

Pour ce grand consommateur de télé, sa nouvelle fonction est presque prédestinée.

«J'ai toujours adoré la radio et la télé, qui m'ont fait voyager très jeune», dit-il. Ses derniers coups de coeur? Des séries comme 19-2 et Les Invincibles. «J'ai moins le temps de suivre des téléromans, mais j'adore les nouveaux concepts télé, dit-il.

J'ai hâte de voir l'adaptation de The Voice. Et pour relaxer le soir, j'aime beaucoup les séries policières comme Dexter et Millénium.»

Et oui, il a déjà été abonné à Netflix, le distributeur étranger tant décrié à chaque occasion par les conglomérats canadiens de télécoms.

«Je me suis abonné après mon départ de Patrimoine, mais je me suis lassé, car c'était trop souvent des reprises», dit-il, ajoutant qu'il était très important pour lui «de ne pas imposer ses choix aux autres» par le biais de ses nouvelles fonctions.