Entrepreneurs technologiques du Canada, mettez vos complexes d'infériorité au rancart: les investisseurs américains vous trouvent sexy (ce sont leurs mots) et sont prêts à sortir leur chéquier pour avoir le privilège de danser avec vous.

Cravate au cou et fraîchement débarqués de San Francisco, Boston, New York et Washington, c'est ce qu'ils ont déclaré hier à Montréal pendant la conférence annuelle de l'Association canadienne du capital de risque et d'investissement.

«Chaque fois que vous voyez un déséquilibre entre les occasions d'investissements et le capital disponible, vous avez un endroit sexy. Et actuellement, le Canada correspond à cette définition», a dit Paul Ferris, d'Azure Capital Partners - une firme de capital de risque basée dans la Silicon Valley, en Californie.

Un groupe d'experts intitulé «Le Canada est-il sexy à l'heure actuelle?» a engendré des réponses unanimes auprès de ceux dont le métier est de miser des fonds sur les entreprises technologiques les plus prometteuses dans l'espoir de les voir percer.

«Oui, le Canada est sexy, a dit Jit Sinha, associé principal de JMI Equity, de Baltimore. D'abord parce que l'expertise technique y est élevée. Ensuite, parce qu'il y a un soutien gouvernemental important envers la recherche et développement.»

«Ma réponse à ça est un vibrantoui!», a aussi dit Stephen Hurwitz, du cabinet Choate Hall&Stewart, qui a notamment vanté les universités canadiennes et l'infrastructure technologique du pays.

«Le résultat, c'est une abondance d'entreprises en démarrage qui font de la recherche et du développement exceptionnels», a-t-il dit.

Selon M. Sinha, la situation est loin d'être nouvelle. Au cours des 10 dernières années, sa firme a investi 160 millions de dollars au pays dans neuf entreprises technologiques en démarrage. Ce qui change, selon lui, c'est que le mot est en train de se passer.

La croissance fulgurante d'entreprises comme Beyond the Rack ou Accedian Networks, pour ne nommer que des exemples montréalais, a clairement attiré l'attention des investisseurs au sud de la frontière.

«Quand vous voyez une entreprise comme Radian6 émerger du Nouveau-Brunswick et dominer le monde des médias sociaux, ça frappe l'imaginaire», illustre aussi Anthony Lee, Canadien exilé dans la Silicon Valley et aujourd'hui associé principal d'Altos Ventures.

Un autre phénomène entre en jeu. Dans la Silicon Valley, les financiers sont aujourd'hui si nombreux à tenter de dénicher le prochain Google qu'ils se retrouvent souvent à chasser les mêmes proies. Conséquence: les enchères montent et les chèques signés gonflent. Plusieurs des participants à la conférence d'hier ont d'ailleurs dit croire qu'une nouvelle bulle techno existe actuellement, mais qu'elle est circonscrite à la Silicon Valley.

Le Canada vit une situation inverse. Les financiers locaux sont peu nombreux, si bien que la concurrence est moins féroce.

«Je ne dirais pas qu'il y a des aubaines à faire au Canada, précise toutefois Ralph Terkowitz, de la firme ABS Capital, de Washington. Le marché me semble comparable à ce qu'on voit dans l'ensemble des États-Unis. Silicon Valley est vraiment l'exception.»

Les yeux tournés vers Harper

Il reste qu'après Israël, la Chine et l'Inde, les financiers californiens à la recherche de nouveaux territoires commencent finalement à regarder au nord du 49e parallèle.

En mars 2010, le gouvernement canadien leur a facilité la vie en modifiant la définition de «bien canadien imposable» s'appliquant aux investisseurs étrangers dans l'article de loi 116.

«Auparavant, entre deux transactions comparables, les investisseurs choisissaient d'investir aux États-Unis pour éviter les complications et les coûts juridiques liés à l'article 116. Aujourd'hui, le terrain de jeu est le même pour tout le monde. L'impact est significatif», a dit Paul Ferris, d'Azure Capital.

Les Américains présents hier sont aussi très au fait que le gouvernement Harper a annoncé dans son dernier budget des sommes de 400 millions d'ici 2020 pour le capital de risque. Plusieurs investisseurs américains souhaitent que l'industrie canadienne du capital de risque reprenne du poil de la bête, question d'avoir des investisseurs locaux solides avec qui investir.

«Il faudra voir si le gouvernement canadien peut déployer cet argent de façon à construire une industrie de capital de risque robuste, durable, privée, indépendante et orientée vers le marché, a dit Steve Hurwitz, de Boston. C'est la grande question qui demeure, et nous la suivrons avec attention.»