Si le marché du travail canadien est en panne depuis plusieurs mois, il ne cesse de se dégrader chez les jeunes.

En février, la cohorte des 15-24 ans a perdu 26 800 emplois, d'un océan à l'autre dont 200 au Québec, révèle Statistique Canada.

Depuis un an, la saignée s'élève à 68 700 à travers le Canada, dont 32 200 dans sa société distincte.

À l'échelle canadienne, le taux de chômage des jeunes a grimpé de deux dixièmes à 14,7 %. La détérioration a été contenue par un décrochage de 25 000 jeunes de la population active.

Pour l'ensemble des demandeurs et chercheurs d'emploi canadiens cependant, le taux de chômage a reculé de deux dixièmes à 7,4 %, malgré la perte de 2800 emplois, concentrées dans le secteur des services.

Le recul du chômage est uniquement affaire de décrochage, concentré dans le reste du Canada. Pas moins de 37 900 personnes ont déserté les rangs de la population active, le mois dernier. Il s'agit du pire abandon depuis janvier 2009, alors que la récession faisait rage.

Au Québec où il n'y guère eu de variation dans le nombre de personnes détentrices ou chercheuses d'emploi en février, le taux de chômage est resté stable à 8,4 %. L'ajout net de 200 emplois est non significatif, bien qu'on doive souligner une légère hausse des heures travaillées, la première depuis octobre.

Chez les 15-24 ans en revanche où la cohorte de la population active a grossi de 5300 personnes, le taux des demandeurs d'emploi a bondi de huit dixièmes. Il atteint désormais 15,3 % dans cette catégorie de travailleurs où se concentrent aussi beaucoup d'étudiants qui travaillent à temps partiel.

«La jeunesse est peut-être un temps béni, mais elle se transforme en une malédiction, si on cherche du travail», note Emanuella Enenajor, économiste chez CIBC.

Les jeunes ont bien des raisons de se sentir découragés devant de sombres perspectives d'emploi ou la cherté relative grandissante des droits de scolarité qui assombrissent leur avenir.

L'économie canadienne a récupéré tous les emplois perdus par la récession. Dans son ensemble, le marché du travail est en expansion, ce qui contraste avec la situation des travailleurs américains.

Chez les Canadiens de 15-24 ans, l'histoire est tout autre. Des quelque 430 000 emplois supprimés par la récession, 324 500 ont frappé les jeunes, fait remarquer Francis Fong, économiste chez TD. En février il en manquait encore 275 000 pour revenir au sommet d'avant la récession de cette cohorte. En 2008, le taux de chômage des jeunes s'élevait à 11,6 %.

Si le marché du travail québécois a été moins décimé par la récession, la cohorte des jeunes a eu plus que son lot de malheurs. La récession a supprimé 63 000 emplois dans la Belle Province dont 42 000 parmi les 15-24 ans. Plus de deux ans et demi après le début de la reprise, le Québec compte 86 000 emplois de plus qu'avant la récession, mais les jeunes accusent encore un déficit de 39 000 jobs.

«Plusieurs études démontrent que ceux qui diplôment pendant une récession encaissent une perte de revenus initiaux qui durera des années, explique M. Fong dans une étude toute récente intitulée Le lot des jeunes travailleurs. Le chômage qui fait suite au diplôme écorne les compétences et l'avantage compétitif. Résultat, moins de perspectives d'embauche et beaucoup de sous-emploi durant les premières années critiques d'une carrière.»

Concurrence générationnelle

Ce qui vient compliquer les choses cette fois-ci, c'est que les jeunes sont maintenant en concurrence avec les 55 ans et plus, surtout dans la quête d'emplois à temps partiel. C'est comme si les employeurs préféraient la longue expérience à la fougue.

Le chômage élevé chez les jeunes, avec mais surtout sans diplôme, est d'autant plus préoccupant qu'on retrouve des pénuries de main-d'oeuvre dans plusieurs industries où des compétences pointues sont requises.

Depuis plusieurs trimestres, les entreprises investissent en machinerie et équipement pour accroître leur productivité et composer avec une monnaie appelée à rester forte à court et moyen termes.

Les résultats commencent à paraître: pour un deuxième trimestre d'affilée, les entreprises canadiennes ont enregistré de bons gains de productivité, cet automne, avec un gain annualisé de 2,8 %. «C'est comme si les reprises canadienne et américaine étaient en train de changer de rôle, observe Douglas Porter, économiste en chef délégué chez BMO Marchés des capitaux. Le Canada abandonne le tandem beaucoup d'emplois-faible productivité alors que les États-Unis largue celui de faible création d'emplois-forte productivité.»

Encore faut-il pouvoir acquérir les compétences pour occuper des emplois à productivité élevée...