En reconduisant sans surprise pour la 11e fois d'affilée son taux directeur à 1%, la Banque du Canada dit s'inquiéter davantage des perspectives de l'économie mondiale et de l'Europe en particulier.

En revanche, l'équipe du gouverneur Mark Carney réitère sa confiance dans une croissance modeste de l'économie canadienne, qu'elle projette à 2,0% cette année, mue avant tout par les dépenses de consommation. C'est un dixième de mieux que dans son scénario d'octobre. En revanche, elle retranche ce dixième à la croissance projetée de 2013, ramenée à 2,8%.

Ce léger rajustement est rendu nécessaire par le rebond plus fort que prévu en octobre de la croissance au deuxième semestre de 2011 qui donne de l'élan à l'expansion en ce début d'année.

Cette poussée estivale et automnale fait en sorte que l'économie canadienne aura retrouvé son plein potentiel au troisième trimestre de 2013, soit une saison plus tôt qu'anticipé auparavant.

«La crise de la dette souveraine en Europe s'est intensifiée», lit-on dans le communiqué qui explique son statu quo monétaire, en place depuis septembre 2010. La Banque s'attend à une récession plus longue et plus profonde sur le Vieux Continent, même en supposant que les autorités politiques et monétaires parviennent à contenir la crise de la dette souveraine. Elle souligne cependant que cette hypothèse est «nettement entachée de risques à la baisse».

«Mark Carney reste nerveux au sujet des risques de contagion de l'Europe, souligne Paul-André Pinsonnault, économiste principal à la Banque Nationale. Les prochains mois resteront assurément marqués par l'incertitude, mais la contagion financière ne s'est pas encore matérialisée au Canada.»

Du côté des États-Unis, la Banque n'est guère plus optimiste, en dépit du redressement du marché du travail de fin d'année. La croissance y sera modeste en raison de l'assainissement des finances publiques et du bilan des ménages ainsi que des effets de la récession européenne.

Elle note en outre que le rythme d'expansion de l'économie chinoise ralentit comme prévu.

Tout cela va entraîner une baisse des prix des biens de base, à l'exception du pétrole, dont les cours sur le marché des contrats à terme paraissent rivés autour des 100$US le baril, soit bien davantage qu'en octobre.

Chez nous, la Banque estime que l'expansion va ralentir «en raison surtout de la conjoncture extérieure».

Ce sont encore les dépenses des ménages qui la soutiendront avant tout, malgré leur niveau d'endettement record qui préoccupe la Banque depuis plus d'un an déjà. «Il faut toutefois se rendre à l'évidence que l'endettement peut difficilement diminuer avec le maintien de taux d'intérêt très bas», fait remarquer Benoit P. Durocher, économiste principal chez Desjardins.

La Banque reconnaît enfin que «le profil de l'inflation est un peu plus ferme» qu'anticipé. Elle réitère cependant que l'inflation totale et l'inflation de base (sans huit composantes les plus volatiles) vont baisser avant de remonter à 2% durant l'été 2013.

Dans la livraison d'octobre du Rapport sur la politique monétaire (RPM), les autorités monétaires prévoyaient que le rythme d'inflation totale allait décélérer jusqu'à 1% seulement ce printemps. «Je crois qu'elles doivent réviser cette prévision de manière substantielle, compte tenu des cours du pétrole beaucoup plus élevés», souligne Derek Holt, économiste principal chez Scotia.

Comme en décembre, la Banque rappelle que le taux directeur est près de son creux historique (0,25%), ce qui constitue un degré de détente monétaire considérable.

Elle ne donne aucune indication sur le moment où elle pourrait déroger de son statu quo, ni dans quel sens. Il n'existe aucun consensus à cet égard parmi les économistes prévisionnistes. La grande majorité penche pour une augmentation du taux directeur, susceptible de survenir quelque part entre l'automne prochain et l'hiver 2014.

La Banque a tout intérêt à ne rien indiquer pour le moment, surtout que la Réserve fédérale américaine pourrait préciser ses intentions, dès la semaine prochaine. Elle s'est jusqu'ici engagée à ne pas bouger au moins d'ici à l'été 2013.

On saura ce matin les hypothèses qui sous-tendent ce nouveau scénario avec la publication du RPM.

La prochaine date de fixation du taux directeur est le 8 mars.