Satisfaction évidente teintée de soulagement.
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C'est ainsi que le rejet du projet fédéral de commission unique de valeurs mobilières par décision unanime de la Cour suprême, jeudi à Ottawa, a été accueilli parmi les intervenants financiers au Québec.
Pour le ministre des Finances, Raymond Bachand, qui menait l'opposition de certaines provinces au projet fédéral depuis deux ans, la décision représente une «grande victoire pour le Québec et pour le fédéralisme».
«Nous avons déjà un système (de réglementation financière) qui est harmonisé entre les provinces et qui est déjà reconnu comme l'un des meilleurs au monde. Nous n'avons pas besoin d'un système centralisé comme celui que proposait le fédéral», a expliqué le ministre au cours d'un point de presse, hier à Montréal, dans un hôtel adjacent à la Bourse de Montréal et aux bureaux de l'Autorité des marchés financiers (AMF).
Pour le président de l'AMF, Mario Albert, le rejet sans équivoque du projet fédéral constitue un certain soulagement, plutôt qu'une surprise.
Parce qu'en attente de cette décision, a-t-il confirmé hier, cela fait des mois que les discussions sont au point mort entre les provinces afin de perfectionner leur système de «passeport réglementaire» en matière boursière et financière.
Instauré progressivement depuis quelques années, ce système permet notamment l'accord automatique entre les commissions provinciales des décisions prises par l'une ou l'autre.
Toutefois, l'Ontario et sa très influente Commission des valeurs mobilières (CVMO) demeurent en marge de ce système de passeport, préférant appuyer le projet fédéral d'une commission unique qui serait dirigée de Toronto.
Après le rejet de ce projet par la Cour suprême, le président de la CVMO, Howard Weston, a indiqué par bref communiqué que son organisme continuerait «de travailler avec les régulateurs des autres provinces à propos des initiatives réglementaires d'envergure nationale».
À ce propos, le ministre Bachand a admis que désormais «la balle est dans le camp des provinces» afin d'accentuer «la coordination et l'harmonisation» de leurs capacités réglementaires en finances.
Quant à convaincre l'Ontario de rejoindre le système de passeport, le ministre Bachand a souligné le «rôle important» de la CVMO dans le milieu financier. «Quand le Québec et l'Ontario travaillent ensemble, le Canada est plus fort», a-t-il indiqué.
Mais selon Mario Albert, de l'AMF, l'Ontario participe déjà de façon indirecte aux mécanismes du système de passeport. «C'est juste que la CVMO prend un à deux jours pour entériner les décisions prises dans le système, au lieu d'y adhérer automatiquement», a-t-il précisé.
Parmi les gens d'affaires, le rejet du projet fédéral de commission unique par la Cour suprême a aussi été accueilli avec un certain soulagement.
D'autant plus que ce débat d'ordre financier et politique pesait de plus en plus lourd sur les perspectives d'avenir du secteur financier au Québec et à Montréal en particulier.
À la Fédération des chambres de commerce du Québec, la PDG, Françoise Bertrand, qui menait depuis mai 2010 une coalition de gens d'affaires québécois contre le projet fédéral, a accueilli la décision de la Cour suprême comme «une excellente nouvelle pour le secteur financier de Montréal».
Selon Mme Bertrand, le projet fédéral risquait d'accentuer l'érosion des capacités professionnelles en haute finance et en Bourse à Montréal au profit de Toronto.
Le projet fédéral risquait aussi de priver les PME en recherche de capitaux de développement d'un accès à des intervenants financiers et boursiers plus familiers avec les particularités de l'économie québécoise.
À la direction du Mouvement Desjardins, dont la présidente Monique Leroux avait écarté le projet fédéral, on a dit souhaiter que le rejet en Cour suprême «mette fin à un débat qui a fait couler beaucoup d'encre et monopolisé les énergies de plusieurs groupes».
«Le Canada est un vaste pays. Les réalités économiques, les besoins des entreprises et les contextes linguistiques sont autant d'éléments qui plaident en faveur d'une proximité des autorités réglementaires sans pour autant compromettre une cohérence nécessaire à l'échelle nationale et internationale», a indiqué la direction de Desjardins par communiqué.
À la Banque Nationale, dont le président Louis Vachon avait été une figure de proue du lancement de Finance Montréal avec le ministre Bachand, on a préféré s'abstenir de commenter «avant de prendre connaissance de la décision (de la Cour) lors des prochains jours».
Il faut dire que le débat sur le projet fédéral était délicat pour les banques québécoises comme la Nationale et la Laurentienne, en raison du fort appui manifesté par l'Association des banquiers canadiens.