Le surendettement européen et américain touche déjà l'économie canadienne. Les ménages canadiens devront faire preuve de prudence pour ne pas être écrasés à leur tour sous le poids de leurs emprunts, hypothécaires ou autres.

L'Europe retombée en récession, il lui faudra encore au moins cinq ans pour retrouver sa taille d'avant la crise financière, peut-être davantage aux ménages américains pour que leurs actifs récupèrent toute leur valeur.

Chez nous, les ménages ont atteint un niveau d'endettement dangereux qu'il faut diminuer alors que la création d'emplois stagne.

Or, «l'élimination du déficit financier net du secteur des ménages créerait un écart notable dans l'économie, a prévenu hier le gouverneur de la Banque du Canada, Mark Carney. Les ménages canadiens devraient diminuer globalement leurs besoins de financement nets de quelque 37 milliards de dollars par année».

Conférencier à Toronto hier, Mark Carney a estimé que compenser une telle somme pendant deux ans exigerait soit une croissance de trois points de pourcentage des exportations, soit de quatre points des dépenses publiques ou de sept points des investissements des entreprises.

Les livraisons canadiennes vers les États-Unis accusent un retard de 30 milliards tandis qu'Ottawa met à bon droit le cap sur le retour à l'équilibre budgétaire d'ici 2015.

Productivité des entreprises

Restent les entreprises, qui doivent renforcer leur productivité et intensifier leur présence sur les marchés émergents. «Il s'agit de la seule solution durable, affirme le gouverneur. Un cercle vertueux caractérisé par une hausse de l'investissement et de la productivité accroîtrait la capacité d'endettement de tous en faisant augmenter les salaires, les profits et les recettes de l'État. Nous devrions en faire un objectif commun.»

Certes, la reprise américaine anormalement molle semble gagner un peu de tonus grâce à une politique monétaire et fiscale que seuls les États-Unis ont le luxe de se permettre encore quelque temps à cause de l'avantage de détenir une monnaie refuge.

La Réserve fédérale américaine va sans doute d'ailleurs reconduire aujourd'hui son programme de troc d'actifs à court terme contre d'autres de plus longue échéance, annoncée en septembre. Cette opération Twist vise à infléchir les taux obligataires à long terme et assouplir le crédit aux ménages et aux entreprises afin de soutenir la croissance.

Mais les ménages américains doivent poursuivre leur désendettement, ce qui freinera forcément les exportations canadiennes.

Le gouverneur croit cependant que les ménages canadiens doivent réduire le leur aussi avant que les conditions de crédit se resserrent.

Il a aussi mis en garde contre l'insouciance de tous les ménages qui s'imaginent que les coûts d'emprunt historiquement faibles sont là à demeure.

C'est le piège dans lequel est tombée l'Europe avec les effets que nous connaissons aujourd'hui. Vient un jour où les créanciers ne veulent plus refinancer. «La relation centrale entre la dette et la stabilité financière est telle qu'un niveau trop élevé de la première peut brusquement se traduire par un niveau insuffisant de la demande», rappelle M. Carney.

Le moment Minsky

Il affirme même que le monde est arrivé au moment Minsky. Il s'agit du point où des institutions (États, banques, etc) sont tellement surendettées qu'elles doivent brader leurs actifs pour combler leurs besoins de liquidités, ce qui crée une spirale déflationniste qui raréfie les liquidités. L'économiste Hyman Minsky qui a développé ce concept affirme que seule une régulation financière accrue peut la contenir, un sujet cher à M. Carney qui préside aussi le Conseil de stabilité financière. Il a d'ailleurs salué au passage le pacte fiscal conclu la semaine dernière au sein de la zone euro.

Il a rappelé que les reprises qui suivent une crise financière sont toujours plus lentes. Celle de l'économie américaine ne fait pas exception.

Le redressement des finances privées et publiques qui s'impose durera longtemps puisque la croissance freine la création d'emplois et l'augmentation des rentrées fiscales.

Dans les pays européens, il faudra restaurer la compétitivité de certaines économies. Cela suppose une réduction des salaires relatifs.

Dans ce contexte, le Canada ne peut rester assis sur ses lauriers gagnés avant la récession, estime le gouverneur. «Il vaut mieux procéder à un rééquilibrage dès maintenant, alors que nous sommes dans une position de force, afin d'atteindre un degré de compétitivité et de prospérité digne de notre pays.