La gestion de l'offre des produits laitiers québécois semble faire l'objet de discussions dans l'Accord économique commercial et global Canada - Europe (AECG). Il n'y a «pas encore eu d'offre» pour ouvrir ce marché dans les négociations sur l'accord. C'est ce qui est spécifié dans un résumé des dernières rondes de négociations, en octobre, dont La Presse Affaires a reçu.

Les seuls biens pour lesquels le Canada n'a pas encore présenté une offre sont les produits laitiers, les oeufs et la volaille. Et pour l'Europe: le boeuf, le porc et le maïs.

Au cours de la dernière campagne électorale, le premier ministre Harper s'était engagé à protéger ce système. Le premier ministre Charest a déjà assuré lui aussi que ce système était «non négociable». L'année dernière, Pierre Marc Johnson, le négociateur qui représente le Québec dans la délégation canadienne, affirmait que le système québécois de gestion de l'offre en agriculture n'était pas menacé par l'accord. M. Johnson comparaîtra à nouveau aujourd'hui en commission parlementaire.

«Mais le document dit «pas encore». Il y a donc des discussions», s'est inquiété Alexandre Cloutier, porte-parole du PQ en matière de Relations internationales, lorsque mis au courant du document. Il craint que le Canada cède sur les quotas laitiers pour ouvrir en échange le marché européen au boeuf albertain. «Avec le registre des armes à feu, on a vu le poids du Québec dans la fédération», lance-t-il. Précisons toutefois que les producteurs ontariens, entre autres, s'opposent aussi farouchement à une telle libéralisation.

Le Canada ne doit pas jouer sur les mots, ajoute-t-il. «Il ne faudrait pas qu'on maintienne techniquement la gestion de l'offre, mais qu'on diminue les quotas. Ça ne devrait même pas être dans les discussions.»

Plus tôt en journée, M. Cloutier et son collègue Nicolas Marceau ont dénoncé «l'opacité» des négociations. L'opposition n'a pas pu consulter de textes sur les négociations. Le gouvernement Mulroney avait pourtant rendu de tels documents accessibles au moment des négociations sur l'ALENA dans les années 80, ont rappelé les députés.

L'AECG n'est pas un simple accord de libre-échange. Il s'agit d'un accord économique global, qui concerne aussi la main d'oeuvre et les investissements, et qui ouvre les marchés publics. Au Canada, ces contrats publics représentent un pactole d'environ 26 milliards de dollars par année.

Le PQ assure avoir «toujours été pour les accords de libre-échange». Mais il craint que l'AECG prive Québec d'un important levier économique. «Par exemple, la semaine dernière, les CSSS du Saguenay-Lac-Saint-Jean sont allés en appel d'offres pour les produits laitiers. Ils ont préféré une entreprise locale d'Alma à une entreprise de l'extérieur [...] parce qu'ils ont utilisé un critère de développement durable, un critère de consommation de proximité. Est-ce que ce genre de clause sera toujours permis suite à l'adoption de l'accord?», se questionne M. Cloutier.

Il donne aussi l'exemple du développement éolien. Québec a décidé que 60% des dépenses devaient se faire sur le territoire québécois.

L'opposition et les environnementalistes ont demandé sans succès au gouvernement Charest d'amender son projet de loi 14 sur les mines pour forcer les entreprises à transformer la ressource au Québec. «En commission, on nous a dit que ça pourrait contrevenir (à l'AECG)», avance M. Cloutier.

La neuvième et dernière ronde de négociations globales s'est déroulée en octobre dernier. Les prochaines traiteront de dossiers précis. Les deux parties espèrent finaliser et ratifier l'entente l'année prochaine.

»Cul-de-sac» sur les médicaments

De façon générale, indique le document, «l'atmosphère est bonne», mais les «discussions deviennent plus difficiles». Parmi les autres sujets sensibles: le «cul-de-sac» sur les brevets des médicaments, le contrôle de l'origine des produits (rules of origin), l'interprétation du principe de précaution et la place de la culture. Québec propose une «exemption culturelle», alors que l'Europe propose la notion moins contraignante «d'exception culturelle».

Le Canada cherche de nouveaux marchés. Selon les derniers chiffres, 70% de ses exportations étaient destinées aux États-Unis. C'est la plus faible proportion depuis de l'ALENA en 1988. L'Union européenne offre le plus grand marché commun du monde. Selon Ottawa, l'AECG permettrait d'augmenter la croissance économique annuelle d'un point de pourcentage.