La Cour suprême doit encore décider si la création d'une commission nationale des valeurs mobilières respecte la Constitution, mais en pratique, cette mesure proposée par Ottawa ne comporterait à peu près aucun avantage, affirme un chercheur de l'Institut de recherche en politiques publiques (IRPP). Dans une étude qu'il publie aujourd'hui, le professeur Pierre Lortie souligne qu'au contraire, le système décentralisé actuel se compare avantageusement aux régimes des autres pays.

On peut débattre de long en large sur la structure réglementaire, mais ce sont les résutats concrets qui comptent, résume M. Lortie, qui est professeur à la faculté de droit de l'Université d'Ottawa. Les organismes qui régissent les valeurs mobilières doivent protéger les petits investisseurs, encadrer les marchés de manière efficace et permettre aux entreprises qui s'inscrivent en Bourse de se financer adéquatement. Or, à cet égard, le système canadien n'a rien à se reprocher, conclut le chercheur.

«Si on s'attarde aux résultats, sur à peu près toutes les dimensions, le Canada sort en tête de peloton, explique-t-il. On le fait à des coûts moindres, et lorsque les analyses sont faites de manière rigoureuses, on constate qu'il n'y a pas une différence importante dans le coût du capital pour les firmes canadiennes par rapport aux firmes américaines.»

Dans le régime actuel, chacun des 13 provinces et territoires régissent les valeurs mobilières sur son territoire. Au Québec, c'est l'Autorité des marchés financiers qui joue ce rôle. Mais les différents organismes provinciaux ne fonctionnent pas en vase clos, souligne M. Lortie. Un système de «passeport» réglementaire permet de faire approuver un prospectus ou de s'inscrire à titre de courtier dans diférentes provinces, une entente dont l'Ontario est toutefois exclu.

Le régime décentralisé comporte un avantage de taille: il permet d'adapter les règles en fonction des besoins dans chaque région. Une société d'exploration gazière qui lève des capitaux en s'inscrivant à la Bourse de croissance du TSX à Calgary n'aura pas les mêmes besoins qu'une entreprise qui se spécialise dans le commerce des produits dérivés à la Bourse de Montréal. Une commission nationale des valeurs mobilières aurait tendance à uniformiser les règles d'un océan à l'autre, une situation qui pourrait nuire à certaines entreprises.

«Les conditions de financement des entreprises, par exemple dans le pétrole et le gaz, les entreprises d'exploration minière ont des conditions très différentes», souligne Pierre Lortie.

Mais le système actuel protège-t-il les investisseurs? C'est le doute qu'émet Thomas Hockin, administrateur du Fonds monétaire international (FMI) et l'un des principaux défenseurs de la création d'une commission nationale des valeurs mobilières. Dans un commentaire sur l'étude, il fait valoir que les criminels à cravate qui sont épinglés dans une province peuvent s'établir sans problème dans une province voisine. Il donne en exemple le cas de Michael Mitton, qui a été condamné pour fraude en Colombie-Britannique et qui peut encore brasser des affaires au Québec.