Après des années de litige, Ottawa versera finalement à Québec une compensation de 2,2 milliards de dollars pour l'harmonisation de la TPS et de la TVQ. Mais le gouvernement Harper enverra un premier chèque de 733 millions en janvier 2013 seulement, un an plus tard que ce qu'il avait promis en campagne électorale.

Québec recevra l'autre chèque, de 1,467 milliard, en 2014. Il utilisera la totalité de la compensation pour réduire le déficit. Cette bouffée d'oxygène lui permet de réitérer son objectif de revenir à l'équilibre budgétaire en 2013-14.

Hier, Stephen Harper s'est rendu au Parlement québécois pour la première fois depuis 2006 afin d'annoncer en compagnie de Jean Charest la conclusion d'un «protocole d'entente» sur l'harmonisation des taxes de vente. Un accord final, «détaillé», sera conclu d'ici le 1er avril 2012.

Le litige perdurait depuis une quinzaine d'années. Québec réclamait une compensation pour avoir harmonisé sa taxe de vente à la TPS. D'autres provinces ont reçu une telle compensation au cours des dernières années.

Stephen Harper avait promis en campagne électorale de régler le dossier d'ici le 15 septembre. Il aura fallu deux semaines de plus pour attacher toutes les ficelles.

«Tu sais, Jean, certains vont dire qu'il était minuit moins cinq, d'autres vont dire qu'il était minuit et cinq, mais l'important c'est que tout le monde va dire: enfin ils se sont entendus», a affirmé Stephen Harper en conférence de presse. M. Charest l'a remercié pour avoir respecté sa parole.

La compensation commencera à être versée un an plus tard que ce qui était prévu dans le programme conservateur et le dernier budget Flaherty. Stephen Harper s'est contenté de répondre que cette décision respecte l'agenda convenu pour la mise en oeuvre de l'entente. Jean Charest n'y voit aucun problème. «C'est parfaitement en accord avec ce que nous attendions des négociations. Dans les ententes qui ont été conclues ailleurs, l'argent arrive au moment de la mise en oeuvre», a-t-il souligné. Or le ministre des Finances, Raymond Bachand, avait déjà dit qu'il s'attendait à un premier versement durant l'exercice en cours (2011-12).

Jean Charest a remercié M. Harper pour avoir respecté sa parole. Il a confirmé que «l'argent va servir à la réduction du déficit, et de la dette en conséquence. Il ne s'agit pas pour nous de prendre l'argent puis de le dépenser à gauche et à droite. Nous sommes dans une période où l'économie mondiale vit des turbulences. Ça change à la semaine. Ça nous amène à vouloir être prudents.»

L'entente n'a aucun impact pour les consommateurs, a indiqué M. Charest. Québec conserve l'administration de la TPS et de la TVQ, qui continueront toutes deux d'apparaître sur les factures. Il accepte toutefois de ne plus «taxer la taxe» à compter du 1er janvier 2013, une pratique qui consiste à appliquer la TVQ à la valeur des achats augmentée de la TPS. Mais il haussera alors la TVQ de près d'un point pour éviter de perdre les quelques 700 millions de dollars que cette pratique lui rapportait chaque année.

Le 1er janvier, Québec a fait passer la TVQ à 8,5 %. Il l'augmentera encore d'un point le 1er janvier prochain comme le prévoyait le budget Bachand. Un an plus tard, la TVQ s'élèvera à 9,975 % à cause de l'entente sur l'harmonisation. « Je tiens à dire aux consommateurs québécois que le niveau de taxe de vente sera le même dans son effet. Il n'y a pas plus, il n'y a pas moins. C'est exactement le plan que nous avions que nous gardons», a insisté M. Charest. Rappelons que la taxe fédérale est de 5 %.

Tous les biens exempts de la TVQ le demeurent, comme les couches jetables et les livres. L'entente apporte deux changements. À compter du 1er janvier 2013, les institutions financières ne bénéficieront plus du remboursement de la TVQ payée sur leurs achats. Mais Québec remboursera, progressivement, la TVQ payée par les grandes entreprises sur l'ensemble de leurs achats. Le régime de la TPS accorde déjà ce plein remboursement.

À compter de 2018-19, selon les prévisions du ministère des Finances, la valeur de l'allégement fiscal accordé aux grandes entreprises sera supérieure aux nouveaux revenus provenant des institutions financières (370 millions contre 290 millions). En 2020-21, ce serait 945 millions contre 310 millions, ce qui donne un déficit de 635 millions. Le ministre des Finances, Raymond Bachand, a plaidé que l'Ontario a adopté les mêmes dispositions en vertu de sa propre entente avec Ottawa. « Ces ajustements seront faits au bénéfice de l'investissement et de la création d'emplois », a noté Jean Charest.

Pour le Parti québécois, cette entente «embellit la situation des finances publiques à court terme», mais «l'aggrave à moyen et long terme». «À partir de 2020, on va être à 635 millions de dollars de moins de revenus. Et ça, on va toujours le perdre les années suivantes. Je pensais qu'on obtiendrait les 2,2 milliards sans sacrifier nos revenus futurs, mais le gouvernement a cédé aux demandes du fédéral qui voulait qu'on s'harmonise plus», a affirmé le porte-parole en matière de finances, Nicolas Marceau. En vertu de l'entente, l'assiette de la TVQ peut représenter un écart d'au plus 5 % par rapport à celle de la TPS. Cet écart sera de 3 % dans les faits.