Le gouvernement fédéral a réintroduit telle quelle sa réforme sur le droit d'auteur, jeudi à la Chambre des communes. Encore une fois, l'ancien projet de loi C-32, désormais C-11, a reçu un accueil tiède. Ottawa promet quand même de l'adopter sans perdre de temps.

Les mesures proposées visent entre autres à ajuster les règles en vigueur aux habitudes des Canadiens. C'est le cas de la copie de contenu: C-11 clarifierait le droit quand vient le temps de transférer de la musique d'un média à un autre, d'un ordinateur à un iPod, par exemple.

La «clause YouTube» permettrait aussi aux utilisateurs de laisser libre cours à leur créativité en créant leurs propres oeuvres à partir de contenu protégé par des droits d'auteur - pourvu que ce ne soit pas à des fins commerciales.

Enfin, de nouvelles exceptions sont créées en vertu du principe d'utilisation équitable, qui permettent une utilisation plus libérale de certains contenus pour des fins d'éducation (extraits dans des manuels scolaires, notamment), de parodie et de satire.

«La nouvelle législation veillera à ce que les lois canadiennes en matière de droit d'auteur soient modernes, souples et harmonisées avec les normes internationales actuelles», a déclaré le ministre de l'Industrie, Christian Paradis.

Ottawa tente depuis plusieurs années d'ainsi moderniser les règles dans ce domaine; mais les prorogations et élections ont jusqu'ici entravé ses efforts. Hier, le gouvernement Harper a donc promis d'utiliser sa majorité pour aller de l'avant le plus rapidement possible dans le dossier.

«Nous sommes prêts à travailler avec le gouvernement s'il est ouvert à faire des amendements, a réagi le député néo-démocrate Charlie Angus. Mais il y a un certain nombre de problèmes par rapport à ce projet de loi. Il doit être amendé avant qu'on ne l'appuie.»

M. Angus a évoqué la question des serrures numériques qui, selon lui, restreignent abusivement la capacité des consommateurs de jouir à leur guise de certains produits. Ces serrures sont des restrictions d'utilisation ou de reproduction qui peuvent être apposées sur un bien par une entreprise, et que le consommateur n'a pas le droit de contourner.

Le député néo-démocrate a ainsi fait écho aux critiques de longue date formulées par le spécialiste du droit des nouvelles technologies de l'Université d'Ottawa, Michael Geist. «Les règles sur les serrures numériques sont d'abord et avant tout pour satisfaire les pressions américaines, pas l'opinion publique canadienne», a noté le professeur Geist sur son blogue mercredi.

Parmi les autres critiques, on retrouve toujours celles de certains créateurs et membres de l'industrie culturelle, qui reprochent au gouvernement de ne pas étendre aux nouvelles technologies comme les iPod les redevances qu'ils percevaient sur les CD vierges pour les compenser pour la reproduction de leurs oeuvres. Celle-ci a été reprise par le Bloc québécois, hier. «Les conservateurs démontrent à nouveau leur mépris pour la vitalité de la culture québécoise», a dénoncé le parti souverainiste.

Mais les réactions n'ont pas toutes été négatives: des groupes comme celui formé par les universités canadiennes ont qualifié C-11 de «pas en avant pour le milieu universitaire canadien». «Ce projet tente d'assurer un juste équilibre entre les intérêts des créateurs et ceux des utilisateurs d'oeuvres protégées», ont-elles déclaré dans un communiqué de presse.