Le Canada a tout intérêt à ce que ne se répète pas une crise financière comme celle amorcée en 2008 qui a précipité l'économie en récession même si ses banques étaient jugées les plus solides du monde. Voilà pourquoi il joue un rôle si actif dans l'adoption des Accords de Bâle III qui prévoient notamment l'augmentation de la capitalisation des banques.

«C'est dans l'intérêt du système financier, du Canada et des grands pays de mettre en oeuvre des réformes qui respectent l'esprit des accords de Bâle III»,a confié hier à La Presse Mark Carney, gouverneur de la Banque du Canada qui a joué un rôle de premier plan dans leur élaboration.

Ces accords ont été convenus au sommet du G20 de l'an dernier à Toronto. Ils doivent être adoptés sous forme de loi par les pays d'ici 2013 en vue d'une entrée en vigueur échelonnée jusqu'en 2019.

Ils prévoient de faire porter de 3,5% à 7% le ratio des fonds propres de première catégorie (actions ordinaires et bénéfices non répartis) d'une institution par rapport à ses actifs et à ses placements.

Les institutions jugées d'importance systémique, ou selon la formule convenue trop grosses pour qu'on les laisse faire faillite, seront obligées de porter ce ratio jusqu'à 9,5% selon le niveau de risque qu'elles représentent. Hier, le Comité de Bâle a publié un communiqué selon lequel 28 institutions se qualifieraient pour cette capitalisation accrue.

Les accords prévoient aussi la mise en place de ratios de liquidités qui permettent de mesurer la capacité d'une banque de faire face à choc de liquidités pendant un mois, selon certains critères, un an selon d'autres.

«Le Canada va augmenter sa surveillance et présenter bientôt au Conseil de stabilité financière (CSF) un rapport sur ses institutions financières, ajoute M. Carney qui a demandé que l'entrevue se déroule en français. Le premier sous-gouverneur de la Banque, Tiff Macklem, coordonnera les activités de surveillance du CSF.»

Le CSF est un organisme créé au Sommet du G20 de Londres. Il assurera le suivi des Accords de Bâle III, une lacune pour les accords de Bâle I et II. Ses observations seront rendues publiques.

Le Canada doit prochainement y faire rapport, car la surintendante des institutions financières, Julie Dickson, a déjà indiqué que les institutions canadiennes se seront conformées aux accords dès 2013.

«Nous demandons au secteur privé de faire des examens entre pairs, rappelle M. Carney. Déjà, la Banque Royale et la Banque Scotia, les deux plus actives à l'échelle internationale, ont mis sur pied un Comité de supervision.»

Il se dit confiant que la démarche proposée par le Canada dans tout le processus de réforme soit adoptée au prochain sommet du G20 à Cannes les 3 et 4 novembre. Les règles d'interprétation sont à prévoir, étant donné la diversité des systèmes juridiques et des réglementations. Au sein de l'Union européenne, par exemple, la coordination incombe à Michel Barnier, commissaire au marché intérieur et aux services.

Si les nouvelles exigences font sourciller quelques banquiers américains, comme en fait foi la sortie du président de la JP Morgan Chase Jamie Damon qui les qualifie d'antiaméricains, elles reçoivent l'appui des pays émergents. «Les normes de Bâle III sont en deçà de celles de leurs banques, assure M. Carney, mais ces pays craignent les effets d'une crise financière aux États-Unis ou en Europe sur leur propre économie.»

Après la réforme du système bancaire, le travail ne sera pas complété pour autant. Le Comité de Bâle s'attaque d'ores et déjà à l'encadrement du système bancaire parallèle ou shadow banking. Il est déjà acquis qu'on cherchera à mettre en place une chambre de compensation pour la négociation de titres de gré à gré, qui échappe jusqu'ici à toute réglementation. Pareil organisme pourrait éviter l'effondrement de ce terrain de jeu de prédilection des fonds spéculatifs, des fonds du marché monétaire et de plusieurs grosses caisses de retraite et diminuer le risque systémique qu'il fait porter à l'économie.

Encore une fois, le Canada entend y jouer un rôle actif, mais sans arrogance. «Dans la finance, le Canada doit rester toujours humble, souligne le gouverneur. Si on croit avoir toutes les solutions, c'est qu'on est proche de la chute.»

La consommation des ménages: «Depuis longtemps, la Banque du Canada estime que les dépenses des ménages vont ralentir jusqu'à un rythme qui se rapproche de la progression des salaires, mais la progression restera positive.» Le niveau élevé des stocks des entreprises: «Il y a des choses qui m'inquiètent bien plus comme les crises budgétaires en Europe et aux États-Unis.» Le plus grand risque intérieur que court l'économie canadienne: «C'est le niveau d'endettement des ménages. C'est un risque baissier s'ils déduisent qu'il faut freiner la consommation et haussier s'ils jugent qu'ils peuvent le supporter.»