Coventree a été déclaré coupable de déclarations trompeuses par le principal gendarme boursier au Canada. La firme financière de Toronto et ses dirigeants ont été les principaux instigateurs des papiers commerciaux (PCAA), dont le krach en 2007 a coûté des milliards de dollars de pertes à la Caisse de dépôt et placement.

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Ce verdict à l'égard de Coventree et de ses deux principaux ex-dirigeants, Dean Tai et Geoffrey Cornish, a été rendu hier par la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario (CVMO).

Ces condamnations font suite aux accusations formelles après enquête qui avaient été déposées en décembre 2009 devant un tribunal réglementaire de la CMVO.

Fortes amendes en vue

Coventree et ses ex-dirigeants sont désormais passibles de fortes amendes et de restrictions d'activités sur les marchés financiers. Les sentences seront prononcées plus tard.

Des quatre chefs d'accusation, qui variaient de prospectus fautif lors d'émission en Bourse jusqu'à des énoncés trompeurs sur le risque des PCAA avec les hypothèques subprimes aux États-Unis, deux ont finalement été retenus dans le jugement de la CVMO.

Pour l'essentiel, Coventree et ses ex-dirigeants sont reconnus coupables d'avoir caché à leurs clients-investisseurs certaines conditions des mécanismes de soutien en liquidités des PCAA non bancaires, en cas de «dérangement majeur» des marchés.

Entre autres, ils ont camouflé illégalement un avertissement à ce sujet qui avait été fait par la firme de notation de crédit DBRS, de Toronto, en janvier 2007. C'était huit mois avant la crise du marché de 32 milliards des PCAA non bancaires, en août 2007.

Aussi, la CVMO condamne Coventree et ses ex-dirigeants pour avoir masqué les conditions du mécanisme de soutien en liquidités des PCAA non bancaires jusque durant les jours qui ont précédé le krach de ce marché, le lundi 13 août.

Dans son jugement exhaustif de 153 pages, la CVMO détaille une chronologie d'événements survenus entre l'inscription en Bourse de Coventree, amorcée en octobre 2006, jusqu'au «protocole de Montréal», conclu d'urgence à la fin d'août 2007 afin de stabiliser le marché des PCAA et amorcer sa restructuration.

Cette restructuration, faut-il le rappeler, fut menée par une douzaine d'institutions financières et d'investisseurs importants en PCAA, dont la Caisse de dépôt et placement, la Banque Nationale et le Mouvement Desjardins.

Le jugement de la CVMO rappelle d'ailleurs que la Banque Nationale a été le principal distributeur des PCAA non bancaires émis par Coventree, par l'entremise de sa filiale boursière Financière Banque Nationale (FBN).

Dans une autre décision rendue en décembre 2009 par la CVMO et l'Autorité des marchés financiers (AMF) au Québec, la FBN et six autres firmes de courtage boursier avaient été condamnées à 138,8 millions en amendes pour des fautes commises lors de la revente des PCAA non bancaires.

Dans son jugement d'hier sur Coventree, la CVMO rappelle aussi que la Caisse de dépôt a été non seulement l'un de ses principaux actionnaires de la firme fautive, mais aussi le plus gros client de ses PCAA non bancaires, pour plusieurs milliards de dollars.

Manoeuvre de Coventree

Lors de son enquête, la CVMO a aussi déterminé que c'est un avis de la Caisse à Coventree en février 2006 lui indiquant qu'elle voulait exercer son privilège de rachat privé de ses actions qui a motivé les administrateurs de la firme torontoise à déclencher un premier appel public à l'épargne (PAPE) en Bourse.

Avec cette manoeuvre, Coventree a fait bifurquer le rachat des actions détenues par la Caisse vers les investisseurs boursiers, plutôt que d'en grever son propre capital. Mais aussi, selon l'enquête de la CVMO, ce PAPE de Coventree terminé en novembre 2006 aurait été sa première tentative de camouflage sur le risque de liquidités rattaché aux PCAA non bancaires.

Toutefois, cette accusation particulière n'a pas été retenue dans le verdict du tribunal réglementaire de la CVMO, faute de témoignages suffisants lors des 45 séances d'audience tenues entre mai et décembre 2010.

La suite du verdict énoncé hier par la CVMO aura lieu lors des plaidoiries sur les sentences, attendues d'ici un mois. Les condamnés, Dean Tai et Geoffrey Cornish, peuvent aussi en appeler devant la Cour de l'Ontario.

Entre-temps, rappelons qu'ils faisaient partie de la demi-douzaine de dirigeants de Coventree qui se sont partagés plus de 9 millions en salaires et primes en 2007 et 2008, lors de la montée finale et du krach du marché des PCAA non bancaires. La Presse Affaires avait déniché ces chiffres dans des documents officiels de Coventree déposés auprès des autorités boursières.