De plus en plus, les jeunes Canadiens qui souhaitent donner le coup d'envoi à leur carrière se sentent obligés d'accepter des stages non rémunérés qui promettent de leur apporter une expérience de travail intéressante, mais ne mènent que rarement à un emploi permanent.

Selon les experts, les stages non rémunérés remplacent les emplois du «bas de l'échelle». Cette tendance, estiment-ils, s'explique par la récession économique, qui a contraint les compagnies à se resserrer la ceinture et a forcé les étudiants à se battre pour prendre quelque longueur d'avance que ce soit sur leurs pairs.

L'avocat du droit du travail Andrew Langille a consacré des recherches aux normes du travail et à la jurisprudence en lien avec ces stages, pour conclure que certains d'entre eux étaient illégaux.

Il estime qu'en Ontario, 95 pour cent des stages non rémunérés sont «probablement illégaux», étant donné que les stagiaires exercent une fonction autrement effectuée par un employé payé.

M. Langille a expliqué qu'une personne, qu'elle prépare du café ou qu'elle participe à de la recherche pour des articles journalistiques, est un employé, et non un stagiaire. Selon lui, ces personnes devraient recevoir le salaire minimum et obtenir toutes les protections incluses dans la Loi sur les normes du travail.

Les compagnies qui offrent des stages non rémunérés participent à cette tendance observée sur le marché du travail, et qui récompense les gens avides de travail, prêts à faire bien plus que ce qui est exigé dans la description de leur tâche.

Pourtant, nombreux sont les jeunes diplômés qui disent ne pas pouvoir se permettre de travailler sans être payé, en dépit de leur bonne volonté. Et le poids des dettes d'études y est pour quelque chose.

«Certains croient que les jeunes veulent tout avoir, tout de suite, et qu'ils demandent un emploi avec un excellent salaire», a affirmé Heather Bellingham, une diplômée de 26 ans de la ville d'Oshawa, en Ontario.

Depuis qu'elle a terminé ses études universitaires en cinéma et télévision, Mme Bellingham accumule les stages non rémunérés.

«Mais je ne demande pas beaucoup, a-t-elle ajouté. Je me contenterais du salaire minimum.»

La tâche d'établir et d'appliquer les normes du travail, comme le salaire minimum, revient aux provinces, sauf pour les industries comme l'aviation et les télécommunications, qui sont réglementées par le gouvernement fédéral.

Pourtant, aucune province ne semble avoir de lois en lien avec les stages. Elles se contentent d'utiliser un casse-tête de lois adressées aux assistants et aux bénévoles, et qui prévalent quand un employeur n'a pas à payer ses employés au salaire minimum.

La loi de l'Ontario prévoit que les stagiaires puissent travailler sans être rémunérés, mais selon certaines conditions. L'emploi doit être semblable à la formation donnée dans une école de formation professionnelle. Le stagiaire doit grandement profiter de cette formation et l'employeur ne doit en retirer aucun, ou très peu, de profits.

Le stagiaire ne peut pas remplacer un employé à salaire et l'employeur ne doit pas lui garantir d'emploi. Le stagiaire doit être prévenu que son emploi n'est pas rémunéré.

En Ontario comme dans plusieurs autres provinces, les étudiants qui obtiennent des crédits universitaires pour leur stage n'ont pas à être payés.

Plusieurs employeurs qualifient, à tort, des employés de stagiaires. Souvent, ils le font parce qu'ils ne connaissent ou ne comprennent pas la réglementation à cet effet, a analysé M. Langille.

Aux États-Unis, le département fédéral du Travail a promis l'année dernière que les employeurs qui ne rémunéraient pas leurs stagiaires seraient punis. La nouvelle a suscité peu d'intérêt au Canada, où le phénomène des stages est assez récent.

Le porte-parole du ministère du Travail de l'Ontario, Matt Blajer, a déclaré que le gouvernement tiendrait compte des suggestions à propos des «modèles d'emplois non traditionnels» au moment de réviser la loi.

Il n'a pas voulu commenter les allusions de M. Langille, qui estime que la plupart des stages non rémunérés en Ontario sont illégaux.

Il est difficile d'évaluer le nombre de stagiaires au pays, qu'ils soient payés ou non. Statistique Canada, les ministères fédéraux et provinciaux ne compilent pas d'information à propos des stages.