Vous avez été distraits par le mariage royal de Kate et de William? L'essoufflant duel Canadien-Boston? Les inondations en Montérégie ou encore les tornades dans le sud des États-Unis? À deux jours du vote, voici les positions des grands partis sur les enjeux économiques de l'heure. Question de vous faire une tête, si ce n'est pas déjà fait.

Finances publiques

Personne n'est contre la vertu et tout le monde est pour l'élimination du déficit! Reste à voir le quand et le comment.

Les conservateurs ont rajusté leur cible seulement 17 jours après avoir présenté le budget avec lequel leur gouvernement minoritaire a été défait. Ce n'est plus en 2015-2016 que le Canada retrouvera l'équilibre budgétaire, mais bien en 2014-2015.

Comment? En examinant les dépenses et les programmes au microscope et en sortant le scalpel. Les conservateurs prévoient dégager des économies de 11 milliards de dollars sur quatre ans. Où exactement? Mystère et boule de gomme.

Par ailleurs, la facture inconnue pour l'achat des avions de chasse F-35 suscite bien des craintes de dépassements.

Le Nouveau Parti démocratique compte aussi atteindre le déficit zéro en 2014-2015. Le NPD n'identifie toutefois pas de grandes compressions dans les dépenses, d'où les accusations de frivolité qui lui ont été adressées. En revanche, il prévoit relever le taux d'imposition des grandes entreprises. Selon ses calculs, le fisc empocherait près de 9 milliards de plus en revenus par année (8,6 milliards en 2012-13 ; 9,3 milliards en 2013-14) . Certains jugent toutefois que les néo-démocrates portent des lunettes roses.

Les libéraux ne s'aventurent pas aussi loin. Grâce à une révision des dépenses et à une hausse de revenus, le déficit devrait chuter à 1% du PIB d'ici deux ans, alors qu'il se situait à 3,6% en 2009-2010. Si l'objectif est d'arriver au déficit-zéro, les libéraux préfèrent attendre avant de s'avancer sur la suite des choses. Ils entendent toutefois constituer une réserve pour imprévus de 3 milliards de dollars qui, si elle reste inutilisée, sera affectée à la réduction du déficit.

Gilles Duceppe n'a aucune chance de devenir le prochain premier ministre du Canada. Les priorités du Bloc pourraient néanmoins se refléter dans les choix d'un éventuel gouvernement de coalition. Une coalition n'est pas impossible même si le sujet chaud de la campagne fédérale 2011 reste tabou.

Une surtaxe sur les plus riches, l'annulation de la baisse du taux d'imposition des entreprises, l'élimination des paradis fiscaux et des subsides aux pétrolières permettraient à Ottawa de renouer avec les surplus dès 2012-2013, croient les bloquistes.

Imposition des entreprises

C'est l'un des grands enjeux de cette campagne. Et ici, les positions sont polarisées.

Le Parti conservateur garde le cap sur la baisse du taux d'imposition des sociétés. Ce taux est tombé de 18% à 16,5% en début d'année, et il chutera encore à 15% en janvier prochain. Aux yeux des conservateurs, c'est la meilleure façon d'encourager l'investissement et, par ricochet, l'emploi.

Une étude du Globe & Mail a toutefois mis en doute cette théorie à partir de données de Statistique Canada. Le taux d'investissement des entreprises a chuté depuis 10 ans, de concert avec la baisse du taux d'imposition des sociétés. Les entreprises auraient plutôt utilisé cet allègement pour bonifier leurs réserves de 83 milliards de dollars.

Quant à eux, les libéraux prévoient annuler les deux baisses d'impôt des conservateurs, pour ramener l'impôt sur le profit à 18 %. Ils récupèrent ainsi plus de 5 milliards par année, qu'ils redirigent en éducation et en soins à domicile. Les bloquistes annuleraient aussi ces deux baisses d'impôt.

Les néo-démocrates vont plus loin en relevant le taux d'imposition des sociétés à 19,5%, soit à niveau de 2008. En revanche, ils baissent le taux d'imposition des petites entreprises, de 11% à 9%, en faisant valoir que ce sont elles qui créent le plus d'emplois.

Photo fournie par l'École des métiers de l'aérospatiale de Montréal

À l'École des métiers de l'aérospatiale de Montréal, on a conçu la Station spatiale nationale mobile, en collaboration avec l'Agence spatiale canadienne, Bombardier et d'autres partenaires.

Pont Champlain

Le Parti libéral du Canada, le NPD et le Bloc s'engagent à construire un nouveau pont. Faisant fi des électeurs de la Rive-Sud, un gouvernement conservateur se contenterait de nouvelles réparations, au coût de 158 millions sur trois ans.

Photo François Roy, La Presse

Des milliers de camions empruntent le pont Champlain chaque jour. Des capteurs enregistrent les impacts de chaque passage sur des éléments critiques du pont.

Champions nationaux

S'ils ont bloqué la vente de Potash Corporation à BHP Billiton, une décision contre nature prise pour des considérations politiques, les conservateurs ont relevé à 1 milliard de dollars le seuil minimum au-delà duquel une acquisition étrangère doit faire l'objet d'un examen pour approbation.

Les trois grands partis d'opposition veulent toutefois revoir la façon par laquelle les transactions sont étudiées. Le Bloc québécois veut réduire ce seuil à 300 millions, le NPD, à 100 millions. Libéraux et néo-démocrates veulent aussi éclaircir la notion d'«avantage net pour le Canada» pour que celle-ci reconnaisse plus clairement les actifs dits stratégiques. Tous les partis de l'opposition veulent plus de transparence, voire des audiences publiques.

Photo Troy Fleece, archives La Presse Canadienne

PotashCorp produit 10 millions de tonnes de potasse, soit 20% de la capacité mondiale.

Emploi

Pour stimuler l'emploi, les conservateurs misent d'abord sur les réductions d'impôt. Mais ils proposent aussi des mesures ciblées. Les conservateurs offrent un crédit de 1000$ en cotisations d'assurance-emploi aux petites entreprises qui embauchent.

Pour aider les industries manufacturières, ils prolongent de deux ans la déduction pour amortissement accéléré des investissements en machinerie et en matériel.

Le NPD prolonge aussi cette déduction, mais jusqu'en 2016. En plus de réduire le taux d'imposition des PME, le NPD instaure un crédit d'impôt à la création d'emploi pouvant atteindre 4500$.

Et jusqu'à ce que le chômage ne redescende sous son seuil d'avant la récession, les néo-démocrates bonifient le programme d'assurance-emploi, en éliminant notamment la période de latence de deux semaines. Les bloquistes proposent aussi la même chose.

Photo AFP

Commission des valeurs mobilières nationale

Les conservateurs, le ministre des Finances Jim Flaherty à leur tête, sont farouchement pour. Ils sont appuyés par le chef libéral Michael Ignatieff, bien que l'aile québécoise de son parti s'oppose à une commission nationale ! En revanche, le NPD est uni dans son opposition à une commission unique. Tout comme le Bloc québécois, il va de soi.

Photo: archives PC

Dans vos poches!

Les conservateurs font miroiter aux familles des baisses d'impôt d'environ 1300$ par année, en permettant aux parents d'enfants de moins de 18 ans de fractionner leurs revenus. Cela profitera surtout aux familles dont l'un des deux conjoints reste à la maison. Mais il s'agit d'une promesse à la Brault & Martineau: votez maintenant et recevez dans quatre ans, lorsque le budget sera équilibré.

Les conservateurs promettent de doubler le crédit d'impôt pour les activités sportives des enfants et d'en instituer un pour les activités culturelles. Les adultes pourront aussi recevoir un crédit d'impôt pouvant atteindre 500$ sur leur inscription au gym. Mais ici aussi, ces cadeaux fiscaux attendront 2014.

Pas de baisse d'impôt pour les libéraux. Pour s'attaquer au déficit et réduire les inégalités, ils plafonnent même les déductions fiscales sur les options d'achat d'actions, à un maximum de 50 000$ par an. Cette mesure qui devrait rapporter plus de 300 millions par année vise les hauts dirigeants d'entreprises ayant une forte rémunération variable. Le Bloc québécois propose d'ailleurs la même chose.

Les libéraux ont fait de l'apprentissage leur grande priorité, et ils ont joint le geste à la parole. Fonds de la petite enfance pour la création de nouvelles places en garderie. Subvention de 1000$ par an, pendant quatre ans, aux élèves qui poursuivent leurs études après le secondaire (1500$ par an pour les élèves de familles défavorisées). Formation gratuite (droits de scolarité et frais afférents pendant quatre ans) pour les anciens combattants. Etc.

Pour aider les Canadiens à boucler leurs fins de mois, les néo-démocrates se sont lancés dans une campagne de séduction tous azimuts. Le parti promet de créer 100 000 places en garderie en quatre ans. Il compte transférer 800 millions aux provinces, afin que celles-ci réduisent les droits de scolarité au cégep et à l'université. Le NPD étirera de six semaines à six mois les prestations d'assurance-emploi des Canadiens qui prennent soin d'un parent mourant. Entre autres.

Les néo-démocrates prévoient aussi rembourser la TPS sur la facture de chauffage -c'est l'une des raisons pour lesquelles ils se sont opposés au dernier budget et ont fait tomber le gouvernement conservateur. En revanche, ils augmentent la taxe sur l'essence de 1 cent le litre pour financer le transport en commun.

Autre engagement qui a frappé l'imaginaire en début de campagne, Jack Layton a promis de légiférer pour limiter de façon substantielle les taux d'intérêt sur les cartes de crédit (taux préférentiel plus 5%).

Tous les partis promettent de venir en aide aux aidants naturels. Les conservateurs proposent un nouveau crédit d'impôt pouvant atteindre 2000$, tandis que libéraux et néo-démocrates privilégient une prestation mensuelle sur le modèle de la prestation fiscale pour enfants, bien que celle-ci ne serait pas imposable. Elle totaliserait 1350$ par année pour les libéraux, 1500$ par année pour les néo-démocrates.

Tous les partis prétendent aussi se soucier du sort des Canadiens les plus âgés. Conservateurs, libéraux et néo-démocrates s'engagent par exemple à bonifier le supplément de revenu garanti offert aux personnes âgées les plus démunies. Les conservateurs y consacreront 300 millions par année, les libéraux et les néo-démocrates, 400 millions.

Et tous les partis invitent les Canadiens à rénover leurs maisons, afin de les rendre moins énergivores. Les conservateurs prolongeraient d'un an le programme écoÉnergie, tandis que les néo-démocrates le rendraient permanent. Les libéraux instaureraient eux un crédit d'impôt à la rénovation écolo, dans l'espoir de mieux isoler un million de résidences.

Photo: Alain Roberge, archives La Presse

Même si vous n'êtes pas en mesure de payer entièrement le solde dû le 30 avril, produisez tout de même à temps votre déclaration de revenus, pour au moins éviter la pénalité attribuable au dépassement de la date limite de production.

Harmonisation des taxes de vente

Cette compensation d'environ 2,2 milliards de dollars, qui est réclamée par le Québec depuis des années, c'est évidemment la grande cause du Bloc québécois. Les conservateurs, qui n'ont pas trouvé d'argent pour le faire dans leur dernier budget, ont eu une illumination en campagne électorale. Ils s'engagent maintenant à régler le dossier d'ici la fin de l'été. Le chef libéral Michael Ignatieff a affirmé lui que son gouvernement dédommagerait le Québec. Mais curieusement, les libéraux ont oublié de le coucher par écrit dans leur plateforme électorale. Quant au NPD, il a promis de régler ce vieux contentieux une fois pour toutes. Patience, donc, ce jour approche...

 

Photo: AP