Le projet de marché du carbone canado-américain auquel doit se joindre le Québec l'an prochain a de l'eau dans le gaz. Des problèmes politiques laissent présager des retards en Californie, en Ontario et en Colombie-Britannique, si bien que le Québec semble maintenant fin seul à pouvoir se présenter sans encombre à la ligne de départ le 1er janvier prochain.

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«À l'heure actuelle, j'ai l'impression que le lancement de la Western Climate Initiative va être retardé», a affirmé à La Presse Affaires Roger Fournier, premier directeur principal, environnement et gaz à effet de serre, chez Raymond Chabot Grant Thornton.

La Western Climate Initiative (WCI) est un système de plafond et d'échanges visant à créer un marché du carbone entre quatre provinces canadiennes et six États américains.

En principe, les échanges doivent être lancés en grande pompe le 1er janvier prochain avec cinq membres initiaux: le Québec, l'Ontario, la Colombie-Britannique, la Californie et le Nouveau-Mexique. Le Manitoba et cinq autres États américains avaient prévu s'y joindre plus tard.

Or, des cinq membres initiaux, seul le Québec affirme encore clairement pouvoir sauter sur la patinoire le 1er janvier 2012.

La semaine dernière, l'Ontario a confirmé son intention de se joindre à la WCI, mais a annoncé que la province ne sera pas prête pour le 1er janvier prochain.

Le gouvernement McGuinty a affirmé avoir besoin de temps supplémentaire «pour faire les choses comme il faut du point de vue environnemental et économique».

Entrée en fonction le mois dernier, la nouvelle première ministre de la Colombie-Britannique, Christy Clark, vient quant à elle d'affirmer qu'elle réévaluera carrément la participation de sa province pour s'assurer qu'elle ne nuit pas à sa compétitivité.

«Il ne s'agit pas d'un sujet simple, et nous allons nous y pencher de façon à prendre en compte les besoins de l'industrie et notre compétitivité par rapport à d'autres juridictions... La décision finale quant à joindre la WCI en 2012 n'a pas encore été prise», a confié la semaine dernière au Globe and Mail le ministre de l'Environnement de la Colombie-Britannique, Terry Lake.

Mais, aux yeux du spécialiste Roger Fournier, ce sont surtout les problèmes qui se dessinent maintenant en Californie qui risquent de retarder le lancement de la WCI.

«La Californie, c'est l'instigateur, c'est l'État phare de la WCI», dit M. Fournier.

Or, là-bas, une décision juridique vient d'obliger le California Air Resources Board à retourner faire ses devoirs. Le 18 mars dernier, le juge Ernst Goldsmith, de la Cour supérieure de San Francisco, a demandé à l'organisme de présenter des études qui montrent que la mise en place d'un système de plafond et d'échanges est vraiment la solution optimale pour réduire les émissions de GES.

M. Fournier, qui s'est rendu à Los Angeles la semaine dernière pour se mettre au parfum des derniers développements, affirme que le jugement soulève des préoccupations sérieuses sur la capacité de la Californie de se lancer dans la mêlée dès janvier prochain.

«Ce qu'on dit là-bas, c'est que ça pourrait retarder l'arrivée de la Californie dans la WCI», dit M. Fournier, qui croit que sans le poids économique de cet État, le marché ne décollera tout simplement pas.

Étant donné que le Nouveau-Mexique, dirigé par une gouverneure républicaine hostile au projet, a aussi mis le projet sur la voie de garage, le Québec est donc la seule juridiction à garder clairement le cap sur le 1er janvier 2012.

Au ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs, on explique ne pas vouloir commenter la situation des autres membres. «Le Québec maintient son objectif du 1er janvier 2012 tel que prévu», affirme la porte-parole Hélène Simard.

Même s'il juge un éventuel retard «décevant», Roger Fournier croit toutefois que la WCI finira par se mettre en branle.

Selon lui, les hésitations de l'Ontario et de la Colombie-Britannique sont probablement des réactions au blocage californien. «J'ai comme l'impression que les gens reculent un peu en attendant de voir ce que va faire la Californie.»

Il faut dire qu'une bonne dose de politique teinte les débats entourant la WCI. Aux États-Unis, les républicains ont juré de clouer le projet au pilori et jouent toutes leurs cartes pour y parvenir.