La force du dollar canadien permet jusqu'ici de contenir l'inflation, en exerçant des pressions à la baisse sur les prix des biens importés, les vêtements en particulier.

De décembre à janvier, la poussée annuelle des prix à la consommation est passée de 2,4% à 2,3%, a indiqué hier Statistique Canada. Au Québec, elle a bondi de 1,6% à 2,1%. Cela est dû à l'entrée en vigueur de l'augmentation d'un point de pourcentage de la taxe provinciale de vente, fixée à 8,5% jusqu'à l'an prochain où elle grimpera à 9,5%.

L'agence fédérale estime à un demi-point de pourcentage l'effet de cette majoration sur l'ensemble des prix au Québec et à un dixième à l'échelle du pays.

L'effet des taxes sur les prix est élevé depuis juillet, quand la Colombie-Britannique et l'Ontario ont harmonisé leur taxe provinciale de vente à la taxe fédérale sur les produits et services et que la Nouvelle-Écosse augmentait la sienne de deux points.

Outre l'effet des taxes, c'est encore une fois les prix de l'essence et des aliments qui gonflent l'indice des prix à la consommation (IPC). Faire le plein coûtait 3,5% de plus en janvier qu'en décembre. De novembre à janvier, les prix à la pompe ont bondi de 34,9% en rythme annuel. Se nourrir coûtait 0,5% de plus en janvier par rapport à décembre, sur une base désaisonnalisée. En décembre, la hausse avait été la même. En un an, les prix de la nourriture ont progressé de 2,1%, ce qui touche plus durement les faibles revenus.

Ces deux éléments contrastent avec ce qu'il en coûte pour se vêtir. En un an, les prix des vêtements et des chaussures, des biens importés en grande partie, ont reculé de 2,4%. En un an, le dollar canadien s'est apprécié de 4,7% face au billet vert et se négocie au-dessus de la parité depuis le début de l'année.

Aux États-Unis, où le rythme annuel d'inflation a plutôt augmenté d'un dixième, à 1,6%, de décembre à janvier, les prix des vêtements étaient plutôt à la hausse de 1%.

Or, pour suivre les tendances de l'inflation, la Banque du Canada exclut de l'IPC huit de ses composantes les plus volatiles comme les aliments et l'essence. Elle le dépouille aussi de l'effet des taxes sur les prix, mais elle inclut vêtements et chaussures à part entière.

Pas surprenant dès lors que son indice de référence (IPCX) ait progressé d'un dixième seulement, sur une base désaisonnalisée, comparativement à trois dixièmes pour l'IPC. Autrement dit, si on n'a pas besoin de manger ou de se déplacer, il n'y a guère d'inflation au Canada.

De décembre à janvier, le rythme annuel de l'IPCX est passé de 1,5% à 1,4%. Depuis trois mois, le rythme annuel de l'IPCX est à peine de 1%.

«L'inflation sous-jacente est dormante au Canada à cause des capacités de production inutilisées et de la force du dollar canadien», résume Sal Guatieri, économiste principal chez BMO Marchés des capitaux.

L'IPCX pourrait même reculer le mois prochain avec la disparition de février 2010 dans le calcul des données. En février 2010, on avait enregistré un bond exceptionnel du coût d'hébergement, provoqué par la tenue des Jeux olympiques à Vancouver.

Pascal Gauthier, économiste principal chez TD, propose une explication supplémentaire à la faible progression de l'IPCX. «La Banque du Canada suppose que le potentiel de croissance de l'économie canadienne est très faible. Nous pensons qu'il pourrait être révisé un peu à la hausse.»

S'il était plus élevé en 2010 et 2011 que l'estimation de 1,8% des autorités monétaires, cela signifierait deux choses. Davantage de capacités de production seraient inexploitées, mais la croissance devrait s'accélérer davantage que ce que la Banque prévoit.

Si tel est le cas, la normalisation des taux directeurs sera plus vive.

Présentement, les économistes des milieux financiers sont très divisés sur le moment où la Banque interrompra sa pause amorcée en octobre. Cela va de mai à octobre prochain.